Aujourd’hui, pour sauver l’année scolaire 2019-2020, le gouvernement a décidé de rouvrir partiellement les écoles. En effet la reprise ne concerne que 550.000 élèves sur un total de 3,5 millions. Il s’agit des élèves en classes d’examen.
Une décision mal accueillie au sein de la communauté éducative
Cette décision a installé un débat houleux au sein de la communauté éducative notamment les syndicats d’enseignants, la société civile et les chercheurs en éducation.
Les pourfendeurs de la décision estiment que le gouvernement est dans le tâtonnement. « Avecmoins de 10 cas d’infection au Covid19, il ferme les écoles. Pourquoi devrait-il les rouvrir au moment où la maladie se propage à vitesse grand V, avec près de 6 mille cas », s’interroge, Dame Mbodji, secrétaire général d’un syndicat d’enseignants. En effet le Sénégal comptabilise aujourd’hui ( 25 juin 2020) 6233 cas de Covid19 dont 94 décès. Depuis une dizaine de jours le pays enregistre en moyenne 3 décès par jour.
Cheikh Mbow de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’education publique ( société civile) soulève d’autres obstacles. Selon lui, « l’école sénégalaise fait face à une situation inédite où plusieurs centaines d’écoles se retrouvent en danger de disparition du fait de l’installation progressive de la saison des pluies. Ainsi des classes colmatées en abris provisoires risquent fort dedisparaître de la carte scolaire sous l’assaut répété des précipitations abondantes, atteignant les 1500 millimètres dans le sud et le sud-est du pays.
Paradoxalement, ce sont ces régions les plus pluvieuses du pays qui comptent le plus grand nombre de classes sous forme d’abris provisoires (Sédhiou (21,8% des classes), Kolda (16,3%), Ziguinchor (12,6%), et Kédougou (10,5%).
« La pénurie d’eau qui sévit à Dakar depuis quelques semaines risque de compromettre sérieusement la reprise des cours », avertit un parent d’élèves qui intervenait dans une émission d’une radio de la place.
’’A Dakar et sa banlieue, la plupart des établissements scolaires, malgré la mise œuvre du protocole sanitaire (gels, masques et thermo-flash), souffrent d’un déficit d’eau sans précédent ! de quoi faire tomber…à l’eau cette énième réouverture des classes !’’, s’écrit un autre.
« Dans une telle situation doit-on organiser, la reprise des cours? Et pourquoi les classes d’examen seulement. Quid des autres classes intermédiaires ? », s’interroge un fonctionnaire du ministère de l’éducation nationale qui préfère garder l’anonymat.
Pour Mamadou Gueye, parents d’élèves habitant au centre du pays, « Les élèves des classes intermédiaires sont les plus mal lotis depuis le début de cette pandémie au Sénégal. L’Etat n’a rien prévu pour eux ».
En effet dès l’annonce de la fermeture des écoles, le ministère de l’éducation avait lancé l’initiative « Apprendre à la maison ». Cette initiative est un package composé de cours en ligne et des cours diffusés à travers le canal 20 de la TNT dédié à l’éducation et à la formation. Mais l’ensemble de ces enseignements ne concerne que les classes d’examen ( CM2, 3ème et Terminales des lycées d’enseignement général et technique). Les autres sont laissés en rade dans cette initiative. C’est pourquoi beaucoup d’acteurs du sous secteur de l’éducation et de la formation soutiennent que ce qui intéresse le gouvernement ce n’est pas la formation de qualité mais seulement les examens.
Des chercheurs de l’Unité de Formation et de Recherches des Sciences de l’Éducation, de la Formation et des Sports de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis disent ne pas comprendre cette décision de l’Etat.
« La logique qui a conduit les autorités politiques à vouloir éviter une année blanche tout en laissant les deux tiers des élèves en dehors de l’école, n’est pas comprise. Cette vision, qui accorde à la certification et aux classes d’examen plus d’importance que le reste des sanctions pédagogiques et séquences du cursus scolaire, est une discrimination difficilement acceptable. En effet, l’évaluation permettant de connaître les niveaux des apprenants afin de les faire passer aux étapes suivantes est aussi importante », soulignent-ils au cours d’une conférence de presse.
Ces universitaires avaient conseillé le gouvernement à reporter la reprise.
« Il n’y a aucun risque de perdre l’année, étant donné que le programme pédagogique est, dans le pire des cas, réalisé à moitié. Ce qui est à capitaliser. Pour l’achever, il n’y a aucune nécessité d’imposer aux acteurs inquiets, comme tous les membres de la société, un retour à l’école. Aucune sécurisation physique ou matérielle ne pourrait les rassurer et les soustraire de la peur ambiante d’être contaminés à tout moment et en tout lieu. En plus, le gain pédagogique dans ces conditions ne peut qu’être faible. Cette décision ne ferait qu’alourdir l’ardoise déjà très lourde de la déperdition scolaire », ont-ils martelé.
Pour finir, ils avaient demandé à l’Etat au cas où il tenait coûte que coûte à rouvrir les écoles de le faire au mois de septembre.
« Les épidémiologistes les plus optimistes donnent à la Covid-19 une durée de séjour au Sénégal qui pourrait aller jusqu’au mois de septembre. Ce qui pousse le Président de la République à inviter les Sénégalais à « apprendre à vivre en présence de ce virus ». Mais, il faut du temps pour s’habituer à ce mal. L’intensité de l’inquiétude et du stresse s’atténuera sans aucun doute d’ici septembre. Alors, l’année en cours pourrait être achevée avec plus de sérénité et les résultats scolaires s’en amélioreront. En claire, nous conseillons la reprise des enseignements en septembre, et la prolongation de l’année scolaire jusqu’au mois de novembre prochain », ont-ils conclu.
Le lycée français, Jean Mermoz de Dakar qui enseigne le programme sénégalais à côté de celui de la France, n’a pas suivi le gouvernement sénégalais. Dans un communiqué, la direction a annoncé aux parents d’élèves que l’établissement ne reprend pas les cours ce 25 juin.
Les mesures du gouvernement
Le gouvernement n’a pas tenu compte de toutes ces voix. La reprise avait d’ailleurs été fixée par le conseil des ministres au 02 juin dernier. Mais des cas de contamination au Covid19 signalés chez des enseignants dans le sud du pays avaient poussé le gouvernement à reporter la date. C’est dernièrement que le gouvernement a proposé la date du 25 juin.
Des mesures spéciales ont été prise pour éviter une vague de contamination au sein des écoles.
D’abord les responsables de chaque Comité régional Covid-19 doivent déterminer les heures de démarrage et de fin des cours dans la fourchette comprise entre 9h et 15h. Dans le plan opérationnel de reprise, il est mentionné le port obligatoire du masque pour les enseignants, les élèves et le personnel administratif. Le respect de la distanciation physique dans les salles de classe avec 1 élève par table et assis en zigzag, une classe ne pouvant contenir plus de 20 élèves. Les salles devront être systématiquement aérées.
Pour la récréation, les chefs d’établissement sont invités à surveiller les pauses pour éviter toute forme de regroupement. Dans la batterie de mesures, figurent aussi le nettoiement et la désinfection des structures d’éducation et de formation. Tous les établissements scolaires ont également reçu des kits sanitaires, composés de thermo-flashs, de masques, de dispositifs de lavage des mains, de gels hydro-alcooliques.
La vente d’aliments dans et aux alentours des écoles et établissements est également interdite en permanence. Et pour faire face à toute éventualité, une équipe d’alerte et de veille, chargée de l’application effective des mesures dans les écoles et établissements, est mise en place, ainsi que l’aménagement d’un espace d’isolement. L’arrêt des cours pour ces classes est fixé au 28 août 2020.
Pour les classes intermédiaires, les modalités de passage des élèves des classes en classe supérieure seront définies par le sous-comité pédagogique, annonce le ministère de l’éducation dans un communiqué qui précise que les propositions de passage seront faites avant le 31 juillet 2020.