Le principal enjeu des prochaines réunions du conseil et des comités sera la méthodologie d’allocation des subventions 2020-2022 ; il s’agira de définir la politique qui encadrera la méthodologie de distribution des ressources du Fonds mondial dans le cycle de financement 2020-2022. Les circonscriptions africaines doivent prioriser les stratégies pour ce processus afin de s’assurer et de garantir que la corrélation entre le fardeau de la maladie et l’allocation des fonds ne soit pas compromise. Les actions clés incluront la cartographie des charges de morbidité actuelles et la comparaison avec les allocations de financement pour identifier les écarts entre les deux.
La piètre performance de l’absorption des subventions et des Systèmes de Santé Résilients et Durables (SSRD) montre clairement qu’il reste beaucoup à faire sur ce front. Les SSRD étant un axe stratégique de la stratégie 2017-2022 du Fonds mondial, cette mauvaise performance n’est pas de bon augure et sera clairement une opportunité perdue, d’autant que nous approchons rapidement du point médian de la stratégie. Il est essentiel de revoir les approches actuelles utilisées pour mettre en œuvre les subventions SSRD.
Mettre l’accent sur les interventions catalytiques SSRD à fort impact qui produisent un impact plus important serait une hypothèse à ne pas négliger. Renforcer les capacités des exécutants est tout aussi critique. Il est également essentiel de poursuivre la réflexion sur la mise en œuvre du SSRD, et l’évaluation rapide de l’OMS est la bienvenue, ce qui, on l’espère, entraînera une correction prudente des trajectoires.
L’absorption sous-optimale des fonds demeure le point faible des circonscriptions africaines, en particulier dans la région AOC (l’Europe de l’Est et l’Asie centrale (EOA) et l’Asie du Sud-Est (EES) sont qui absorbent le mieux les ressources) ainsi que celle concernant les interventions SSRD (54%). Compte tenu de ce faible taux d’absorption, plus de 1,1 milliard de dollars étaient inutilisés à la fin du cycle de mise en œuvre des subventions 2014-2016 et ont été réinvestis dans le cycle de financement 2017-2019. De pareils cas de figures ne sauraient se reproduire si les objectifs doivent être atteints. Une des solutions consiste à identifier les goulots d’étranglement réels et une autre est de disposer d’un mécanisme de type GSM pour fournir une assistance technique permanente aux pays mettant en œuvre le programme.
S’attaquer à la résurgence du paludisme est essentiel si l’on veut réduire de moitié le paludisme d’ici 2023. Le monde a été témoin de progrès considérables dans la réduction du fardeau du paludisme entre 2000 et 2015 ; les décès dus au paludisme ont baissé de plus de 60% et plus de sept millions de vies sauvées, six pays ont été certifiés comme ayant éliminé le paludisme, 12 pays en bonne voie pour et plus de 40 pays ayant enregistré moins de 10 000 cas de paludisme. Cependant, les progrès semblent avoir stagné et nous assistons maintenant à une résurgence.
L’année 2016 a été marquée par une inversion de la tendance positive avec plus de 216 millions de cas dans 91 pays, soit une augmentation de 5 millions par rapport à 2015 en raison de l’augmentation spectaculaire de la résistance à un certain nombre d’insecticides utilisés pour prévenir le paludisme, le plafonnement et, dans certains cas, le déclin du financement, les changements climatiques, les pertes d’habitat et de biodiversité causés par la déforestation, ainsi que le grand nombre de personnes mobiles et déplacées et de réfugiés.
La lutte contre cette maladie mortelle nécessite non seulement plus d’argent, mais aussi des innovations scientifiques qui garantiront que nos outils de prévention, de détection et de traitement du paludisme évoluent en fonction des conditions environnementales en perpétuelle mutation. La lutte contre le paludisme a également besoin de précision, basée sur des données.
L’identification des cas de tuberculose non diagnostiqués demeure un autre objectif stratégique. Plus de 10 millions de personnes dans le monde tombent malades chaque année du fait de la tuberculose et 40% d’entre elles, dont 600 000 enfants, ne sont pas diagnostiquées, traitées ou signalées par les systèmes de santé. Distinguer les personnes non diagnostiquées par les systèmes de santé est un défi majeur, tout comme le problème croissant de la tuberculose pharmacorésistante. L’agenda pour le développement durable à l’horizon 2030 a fixé des objectifs ambitieux pour mettre fin à l’épidémie de tuberculose d’ici à 2030 et parvenir à une couverture sanitaire universelle.
95% des nouveaux cas de tuberculose et 98% de tous les décès dus à la tuberculose se trouvent dans les pays à revenu faible et intermédiaire et l’Afrique représente 26%, principalement au Nigéria et en Afrique du Sud. La réunion de haut niveau de l’ONU sur l’élimination de la tuberculose, prévue pour le 26 septembre 2018, est cruciale pour braquer les projecteurs sur cette maladie mortelle qui, selon l’OMS en 2015, avait dépassé le VIH en tant que principale cause de décès. La tuberculose est également la principale cause de décès chez les personnes vivant avec le VIH. Nous avons besoin d’une approche dynamique et multisectorielle qui garantisse que les actions et les investissements correspondent aux engagements politiques.
Avec une réalisation lamentable 42-35-25 de la cascade du dépistage et du traitement du VIH, veiller à ce que l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC) rattrape les objectifs 90-90-90 devrait figurer en bonne place atteindre le contrôle épidémique dans la région. Dans cette configuration, il est important d’inverser la vulnérabilité des adolescentes et des jeunes femmes à l’infection par le VIH est un autre problème critique.
Plus de 360 000 des adolescentes et des jeunes femmes sont infectées par le VIH chaque année, c’est-à-dire 20% de toutes les nouvelles infections. En Afrique sub-saharienne, où près des deux tiers de toutes les nouvelles infections au VIH ont eu lieu en 2016, plus de deux fois plus d’es adolescentes et des jeunes femmes ont été infectées que les jeunes hommes. Dans le reste du monde, plus de jeunes hommes étaient infectés que de jeunes femmes. Le Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR en anglais) met en œuvre l’initiative DREAMS (L’initiative DREAMS vise à protéger les jeunes filles, qui sont particulièrement pénalisées par le VIH/Sida) depuis un certain temps et devrait évaluer l’initiative.
Ce sera un point d’apprentissage critique. Du point de vue de l’écosystème du Fonds mondial, le rapport du Groupe technique de référence en évaluation sur les adolescentes et les jeunes femmes pointe vers les recommandations clés qui sont reproduites dans l’encadré ci-dessus. Inutile de dire qu’il est essentiel de trianguler les leçons tirées des deux initiatives et d’assurer la fertilisation croisée des idées.
Le financement est un autre point crucial. Les ressources de la santé mondiale étant plafonnées, la nécessité d’explorer des sources de financement non traditionnelles demeure une urgence. Les financements innovants, les financements mixtes, des réductions de prêts, des programmes Debt2Health, des partenariats public-privé (PPP), des prélèvements sur la consommation, etc. sont autant de moyens de garantir que le financement national continue de plus en plus de renforcer les ressources sanitaires mondiales.
Il est tout aussi important de veiller à ce que les fonds disponibles soient utilisés de manière optimale, en encourageant l’efficacité, en investissant dans des interventions rigoureusement éprouvées et en réduisant la mauvaise gestion et l’utilisation abusive des fonds, y compris la corruption. Les pays africains devraient agir avec prudence car les pays ne devraient pas être accablés de dettes insoutenables et la fiscalité ne devrait pas paralyser la croissance économique. Avec la 6ème reconstitution du Fonds mondial qui sera organisée par la France l’année prochaine, l’Afrique doit jouer son rôle pour montrer l’impact du Fonds mondial, être le champion de plus de financement et contribuer au fonds.
Le mécanisme du Fonds mondial demeure essentiel pour parvenir au contrôle de l’épidémie de VIH d’ici 2020, réduire de moitié le paludisme d’ici 2023 et éradiquer les trois maladies d’ici 2030. Son succès à contribuer à la réalisation de ces objectifs dépend en grande partie de son succès dans la région africaine ce qui ne saurait arriver sans veiller à ce que ces questions ne soient très sérieusement abordées. L’Afrique doit jouer son rôle pour s’assurer que les problèmes ne se limitent pas aux processus décisionnels, mais soient soumis avec des preuves solides et rigoureuses. Il faudrait également approfondir ces questions à travers la recherche politique pour les interroger et les déballer, et s’assurer qu’un consensus autour de la position africaine signifie que notre travail est déjà fait pour nous. Le leadership africain fortement s’investir dans tous ces processus.