Si l’Afrique de l’Ouest et du Centre progresse lentement, l’Afrique de l’Est et Australe fait d’importants progrès qui rapprochent certains de ses Etats de l’élimination de cette forme de contamination.
Les progrès enregistrés dans la lutte contre la transmission du VIH/SIDA de la mère à l’enfant sont mitigés en Afrique subsaharienne. Le rapport 2021 de l’ONUSIDA publié à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA le 1er décembre 2021, montre d’importantes disparités selon les régions et selon les pays.
En Afrique de l’Ouest et du Centre où 4,7 millions de personnes, enfants et adultes confondus, vivent avec le VIH/sida, seulement 56% de femmes enceintes séropositives étaient mises sous antirétroviraux (ARV) en 2020. Ce chiffre est en dessous de l’objectif qui, d’après le programme « Start free, Stay free, Aids Free »[1] de l’ONUSIDA, était d’atteindre 95% en 2018.
Néanmoins, on note une diminution de moitié des nouvelles infections infantiles entre 2010 et 2020 pour se situer à 55 000 parmi les enfants de 0 à 14 ans. Du fait sans doute de l’augmentation de la proportion de femmes enceintes vivant avec le VIH/SIDA et mises sous traitements antirétroviraux.
Sur ce point, le Bénin, ce pays d’Afrique de l’Ouest fait figure de bon élève d’après les données publiées par l’ONUSIDA. Ce pays a fait le plus de progrès, passant de de 13% de femmes enceintes vivant avec le VIH/SIDA et sous traitements antirétroviraux à 98% en 2020. Juste après le Bénin vient la Guinée avec un pourcentage de 94% en 2020 contre 20% en 2010.
En revanche, les performances du Congo, de la Mauritanie et du Niger sont à améliorer. En Mauritanie l’amélioration des taux est faible : le pourcentage de femmes enceintes séropositives recevant des ARV n’est que de 20% en 2020 contre 9% en 2010. Cette amélioration est encore plus faible au Congo : les taux en 2020 ne sont que de 14%, contre 11% en 2010.
Le Niger pour sa part se distingue comme le seul pays de la région ayant plutôt régressé dans cette prévention de la transmission mère-enfant. Avec un taux de femmes enceintes sous ARV qui est passé de 89% en 2010 à 36% en 2020 pour un taux général de transmission de la maladie de la mère à l’enfant qui se situe en 2020 à 27,4% alors qu’il n’était que de 14,1% dix ans plus tôt.
Rappelons à ce propos que d’après le rapport « Start free, Stay free, Aids free » produit en juillet 2021 par l’ONUSIDA, les critères d’élimination de la transmission mère-enfant visent un taux de contamination inférieur ou égal à 5 % dans les pays où se pratique allaitement maternel et d’au trop 2% dans les pays qui privilégient l’allaitement artificiel.
Lacunes
Toutefois, le Niger n’est pas le pays affichant le plus fort taux de transmission mère-enfant dans cette sous-région. Ce score est plutôt détenu par le Congo qui se situe à 32,5%, suivi du Mali avec 30,1% et de la Gambie avec 28,9%. Les meilleures performances dans ce chapitre étant à mettre à l’actif de la Côte d’Ivoire (7,8%), du Gabon (10%) et du Bénin (11,2%).
En somme, constate le rapport, Afrique de l’Ouest et du Centre concentrait « plus d’un tiers des nouvelles infections à VIH chez les enfants dans le monde en 2020, reflétant les lacunes actuelles dans les efforts visant à prévenir la transmission verticale, y compris la faible couverture de services de santé maternelle et néonatale ».
Mach-Houd Kouton conseiller régional de l’ONUSIDA en Afrique de l’Ouest et du Centre cite parmi ces lacunes « la faible couverture en services de santé maternelle et néonatale et la faiblesse du dépistage précoce des enfants ainsi que l’accès au suivi biologique ».
En conséquence, relève ce dernier, « les femmes enceintes et allaitantes qui ont accès aux services liés à la transmission verticale du VIH ne poursuivent pas toutes leur traitement et leurs soins tout au long de la grossesse et de l’allaitement ».
Pour ce qui est de l’Afrique de L’Est et Australe où 20,6 millions d’adultes et d’enfants (soit 55% de tous les gens et deux tiers de tous les enfants séropositifs dans le monde) vivent avec le VIH/sida, l’ONUSIDA écrit qu’elle « reste la région la plus durement touchée par le VIH/SIDA, [avec] environ 55 % de toutes les personnes—et les deux tiers de tous enfants — vivant avec le VIH. C’est aussi la région qui a fait le plus grand progrès contre l’épidémie de VIH depuis 2010 ».
De fait en regardant de plus près les statistiques, l’on réalise que six pays de cette région affichent en 2020 un taux de 100 % de femmes séropositives mises sous ARV. Il s’agit notamment du Botswana (qui est parti d’un taux 76% en 2010), du Malawi (27% en 2010), de l’Île Maurice (65% en 2010), du Mozambique (25% en 2010), de la Namibie (68% en 2010) et de l’Ouganda (32% en 2010).
Explication
Cette tendance dans cette région est confirmée par le fait que six autres pays (Eswantini, Ethiopie, Kenya, Lesotho, Rwanda et Afrique du Sud) sont tout près d’atteindre cette même performance, avec des taux, certes, inférieurs à 100%, mais, supérieurs à 90%. Les pays les moins performants dans cette zone sont l’Angola avec 68%, le Soudan du Sud avec 44% et surtout Madagascar avec 17% en 2020.
La transmission mère-enfant reflète les progrès constatés dans l’évolution du nombre de femmes enceintes séropositives prenant les ARV. Et une fois de plus, le Botswana arrive en tête avec un taux de seulement 1,9% en 2020, contre 9,2 dix ans plus tôt. L’Eswantini (3,7%) et la Namibie (3,8%) complètent le podium tandis que l’Angola (18,6%), le Soudan du Sud (29,3%) et Madagascar (38,6%) ferment la marche.
Comme explication à ces bonnes performances de l’Afrique orientale et australe, le rapport de l’ONUSIDA souligne entre autres la forte implication des organisations et réseaux communautaires dans les activités de lutte contre le VIH/Sida dans cette région.
« Leurs efforts ont permis de limiter les interruptions et les retards des services liés au VIH/Sida causés par la pandémie de COVID-19 », peut-on lire dans ce document.
Pour Anne-Esther Njom Nlend, pédiatre néonatologiste et expert en infection périnatale du VIH/Sida au Cameroun, l’amélioration des performances en matière de lutte contre la transmission mère-enfant en Afrique subsaharienne passe par une étape capitale qui consiste à « traquer et capturer » toutes les femmes à la porte d’entrée des consultations prénatales pour leur faire faire le test et les maintenir dans le système de santé.
Charge virale
Rappelons-le, dit-elle, « le principal facteur qui va induire la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant, c’est la charge virale non supprimée et nous devons tout faire pour nous assurer qu’elle est supprimée pendant la grossesse, pendant l’accouchement et pendant l’allaitement ».
Selon ses explications en effet, le test doit être fait au premier, puis aux derniers trimestres de la grossesse pour s’assurer que la mère ne s’est pas contaminée pendant la grossesse et enfin pendant l’allaitement.
« Ce sont des périodes à haut risque parce qu’en cas de contamination durant ces périodes, la charge virale maternelle est très élevée et cela a pour conséquence un risque très grand de transmission de la mère à l’enfant », conclut Anne-Esther Njom Nlend.
Mach-Houd Kouton croit savoir que la suppression de la transmission mère-enfant en Afrique requiert aussi l’accélération de l’adoption et de l’intégration de nouvelles technologies de diagnostic au point de service afin de combler certaines lacunes en matière de tests.
Julien Chongwang
[1] Un programme de l’ONUSIDA spécialement consacré à la prévention de la contamination mère-enfant.