Le Conseil d’administration du Fonds mondial a créé la Politique de Sauvegarde Additionnelle (PSA) en 2004 comme approche servant de mécanisme de financement alternatif lorsqu’il existe des contraintes particulières concernant le financement des principaux récipiendaires (PR) et des sous-récipiendaires (SR). Depuis sa création, cette politique n’a fait l’objet d’aucune revue pour déterminer si elle est adaptée à l’évolution du contexte. En 2023, le Fonds mondial a demandé au BIG de procéder à une revue consultative en vue de mieux formuler des recommandations sur la politique et d’améliorer son application et sa mise en œuvre à l’avenir.
Nous présentons dans les paragraphes qui suivent les questions identifiées lors de la revue, en mettant l’accent sur les recommandations du BIG et sur la manière dont ces recommandations pourraient être mises en œuvre dans le contexte de l’Afrique. Une déclaration exprimant le point de vue de l’Afrique figure également à la fin de ce résumé.
Contexte: Le statut de PSA est une prérogative du Fonds mondial appliquée en cas de problèmes présentant un risque pour la mise en œuvre globale de la subvention. La justification de l’invocation de ce statut est communiquée aux pays.
Problème: Si les parties prenantes nationales comprennent généralement bien les raisons invoquées par le Fonds mondial pour justifier le recours à la PSA, elles n’en comprennent souvent pas bien les implications et la voie à suivre*.
Recommandations du BIG
Nos observations
Contexte: Le Fonds mondial sélectionne les PR/SR, et les ICN assurent le leadership dans le cadre des subventions ultérieures.
Problème: La PSA permet au Fonds mondial de sélectionner et de contrôler de près les responsables de mise en œuvre, notamment les PR/SR. Toutefois, cette approche se traduit souvent par une réduction du contrôle national sur la gestion des subventions. Les garanties offertes par les ONGI ont permis de réduire les risques financiers, mais elles ont un coût pour la subvention en raison des coûts indirects élevés. Les efforts de renforcement des capacités, essentiels pour permettre aux pays de sortir du statut de PSA, ont enregistré un succès limité dans certains portefeuilles.
Recommandations du BIG
Nos observations
Contexte
La note de politique opérationnelle du Fonds mondial énonce des critères clairs pour la revue annuelle des portefeuilles sous le statut de PSA, qui doit évaluer la justification du statut de PSA, l’efficacité des mesures en place et les progrès accomplis en vue de remplir les critères de sortie.
Problèmes
Le rapport identifie plusieurs lacunes dans le suivi et la gestion efficaces de la PSA. Les principaux problèmes sont l’absence de critères de sortie spécifiques pour de nombreux pays, rendant ainsi difficile la détermination du moment où un portefeuille est prêt à quitter le statut de PSA.
Recommandations du BIG
Nos observations
Contexte: L’efficacité de la communication du Secrétariat aux parties prenantes des pays sur le thème de la PSA n’est pas optimale et présente certains sous-entendus.
Problème: Les portefeuilles soumis à la PSA sont stigmatisés, les parties prenantes les qualifiant souvent de « liste noire ». L’appropriation de la gouvernance de la PSA au sein du Secrétariat du Fonds mondial est fragmentée entre différentes équipes, ce qui entraîne des retards, des incohérences et une perte de connaissances institutionnelles. Il n’existe pas d’orientation claire ni de suivi structuré du processus lié à la PSA, ce qui a entraîné des retards dans la prise de décision et une communication inconsistante avec les pays en ce qui concerne le statut et les progrès de la PSA.
Recommandations du BIG
Nos observations
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Nous félicitons le Bureau de l’Inspecteur Général (BIG) pour cette revue essentielle de la Politique de Sauvegarde Additionnelle (PSA) et pour les recommandations avisées destinées à en améliorer l’application. Du point de vue de l’Afrique de l’Est et australe (AEA) et de l’Afrique de l’Ouest et centrale (AOC), où la PSA a été appliquée de manière extensive, cette revue consultative est opportune et essentielle. L’Afrique représente une part importante des portefeuilles sous PSA du Fonds mondial, et les recommandations offrent donc une opportunité de rendre la PSA plus adaptée aux besoins et aux réalités des pays. Nous sommes reconnaissants que ce rapport ait pris en compte ce que l’Afrique appelait de ses vœux depuis un certain temps.
L’Afrique est confrontée à des défis complexes et singuliers, notamment l’instabilité politique, la faiblesse des structures de gouvernance et le sous-financement des systèmes de santé. Nous apprécions le recours par le Fonds mondial à la PSA pour maintenir des services de santé essentiels dans ces environnements à haut risque. Toutefois, comme le souligne le rapport, de nombreux pays africains soumis à la PSA ont éprouvé des difficultés à comprendre comment procéder, compte tenu notamment de l’absence de critères de sortie clairement communiqués. Il est essentiel que les mesures de la PSA ne protègent pas seulement les investissements du Fonds mondial, mais qu’elles permettent également aux pays africains de renforcer les capacités nécessaires pour assumer l’entière responsabilité de la gestion des subventions. Nous préconisons des critères de sortie élaborés dans le cadre d’un processus consultatif et inclusif qui ne laisse personne de côté.
Nous préconisons des critères de sortie clairs accompagnés de mécanismes de suivi clairs qui tiennent compte des différentes circonstances. L’absence de critères de sortie peut contribuer à une perception de « statu quo », de nombreux pays africains ne sachant pas exactement ce qu’il faut faire pour quitter le statut de PSA. En l’absence de critères de sortie, les pays ne sont pas motivés, après tout, à fournir des efforts pour sortir du statut de PSA. Nous soutenons la recommandation du BIG de fournir des critères de sortie spécifiques, mesurables et réalisables au moment de l’invocation de la PSA. Les pays africains ont besoin d’une feuille de route claire et d’une motivation pour faire face aux risques sous-jacents, soutenus par des initiatives de renforcement des capacités adaptées à leurs contextes spécifiques. Des orientations claires nous permettront de mieux concentrer nos efforts sur la suppression des risques qui ont conduit à l’invocation de la PSA, ce qui nous permettra à terme de reprendre le contrôle de la gestion des subventions.
En outre, il faudrait davantage veiller à ce que les pays disposent des capacités et des ressources nécessaires pour élaborer des plans de sortie de manière efficace. Se contenter de créer un plan de sortie sans s’attaquer aux problèmes systémiques qui ont conduit à l’invocation de la PSA pourrait aboutir à des améliorations superficielles sans résultats durables. Le rôle du Secrétariat dans l’accompagnement des pays tout au long de ce processus doit être renforcé. Un cadre doit être mis en place pour déterminer si un pays est prêt à gérer les subventions de manière indépendante. Il serait utile de disposer de directives ou d’indicateurs de réussite concrets. De nombreuses ICN manquent de ressources et ne disposent peut-être pas de l’expertise technique nécessaire pour suivre efficacement la mise en œuvre de subventions complexes. Nous proposons plutôt des moyens tangibles de remédier à ces insuffisances, notamment par le biais du renforcement de l’appui financier ou technique au moyen du suivi par une tierce partie au nom des ICN, de la formation ou de l’amélioration de leur capacité organisationnelle.
L’expérience de l’Afrique en ce qui concerne la PSA a mis en évidence l’importance de l’appropriation nationale. Bien que les principaux récipiendaires (PR) internationaux aient joué un rôle précieux dans le maintien de la continuité des services, leur implication a parfois entraîné une réduction du contrôle national et une augmentation des coûts. Dans de nombreux cas, les ICN sont contournées et ne sont sollicitées que lorsqu’un problème majeur se pose dans le pays. Nous soutenons fermement la recommandation de prioriser le renforcement des capacités des responsables de mise en œuvre nationaux, en assurant une gestion efficace des subventions par les gouvernements africains et les entités locales et en réduisant la dépendance vis-à-vis des PR internationaux. Les efforts en matière de renforcement des capacités doivent s’inscrire dans le long terme, être adaptés aux besoins locaux et faire l’objet d’un suivi rigoureux afin de garantir des progrès.
L’amélioration de la communication et de l’engagement des parties prenantes est indispensable si nous voulons gagner la bataille contre ces trois maladies. Le rapport du BIG souligne la nécessité d’améliorer la communication entre le Secrétariat du Fonds mondial et les parties prenantes en ce qui concerne le statut et les progrès de la PSA. Nous pensons qu’une plus grande transparence et des mises à jour plus régulières sur le statut de la PSA, les risques et les plans de sortie sont essentielles pour favoriser la confiance et la collaboration. Nous suggérons à l’équipe chargée de la mise en œuvre et des contextes d’intervention difficiles de présenter des mesures concrètes pour améliorer la coordination entre les différentes équipes du Secrétariat et de mettre en place des structures de reddition de comptes claires. Par exemple, des mécanismes pourraient être mis en place pour passer régulièrement en revue les processus de gouvernance, partager les connaissances institutionnelles et réduire les retards dans la prise de décision.
Le rapport identifie des retards dans la prise de décision et des incohérences dans le processus de la PSA, qui ont fortement affecté les pays africains. Nous saluons les mesures prises pour rationaliser la gouvernance interne en renforçant l’équipe chargée de la mise en œuvre et des contextes d’intervention difficiles. Les portefeuilles africains bénéficieront considérablement d’une application cohérente des processus de PSA dans tous les pays, avec des calendriers et des responsabilités clairement définis. Une gouvernance efficace est essentielle pour garantir l’application équitable des mesures de PSA et le soutien nécessaire aux pays pour sortir du statut de PSA lorsque les risques sont atténués.
Pour l’Afrique, la PSA doit devenir un outil qui non seulement permet d’atténuer les risques, mais également de renforcer les capacités et les systèmes locaux. Les recommandations formulées dans le rapport du BIG, si elles sont mises en œuvre de manière sérieuse et efficace, ce que le Fonds mondial a d’ailleurs déjà commencé à faire, constituent une voie vers une plus grande appropriation nationale des programmes de santé en Afrique. Nous attendons avec impatience de voir ces recommandations mises en œuvre, avec un accent particulier sur le renforcement des capacités des pays africains à faire face aux risques, développer leur résilience et, à terme, quitter le statut de PSA avec des systèmes de santé plus solides et un plus grand contrôle sur les investissements du Fonds mondial.
Paul Nesara