La déclaration de l’OMS concernant le vaccin antipaludique RTS, S le 6 octobre 2021 pour une utilisation à grande échelle chez les enfants en Afrique subsaharienne a été saluée comme un facteur qui va changer la donne en permettant de réduire la charge de morbidité de 90% d’ici 2030. “Ce vaccin antipaludique tant attendu est une avancée pour la science, la santé de l’enfant et la lutte contre le paludisme”, a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’un point de presse annonçant l’approbation. Selon les résultats de l’essai pilote, il a été prouvé que le RTS,S réduit de 30 % le nombre de cas de paludisme grave et potentiellement mortel chez les enfants. Le vaccin apparaît donc comme une lueur d’espoir à l’heure où la communauté internationale s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le paludisme d’ici 2030 et a mis le RTS, S à disposition comme outil à utiliser dans le cadre d’une approche intégrée avec d’autres interventions de lutte contre le paludisme.
Pour comprendre pourquoi le RTS,S est considéré comme le Messie et est porteur de tant d’espoir, revenons en 2019. En cette année, le nombre de cas de paludisme est estimé à 229 millions (M) dans 87 pays endémiques et le nombre de décès à 409 000, dont 67% chez les enfants de moins de 5 ans. Dans le monde, 29 pays ont été touchés et le continent africain avec 7 pays représentait plus de la moitié des cas déclarés et des décès.
Le Nigéria (27%), la République démocratique du Congo (12%), l’Ouganda (5%), le Mozambique (4%) et le Niger (3%) représentaient ensemble près de 51% des cas. Près de 95% des décès sont survenus dans 31 pays, notamment le Nigéria (23%), la République démocratique du Congo (11%), la Tanzanie (5%), le Mozambique (4%), le Niger (4%) et le Burkina Faso (4%) représentant près de 51% des décès.
Le présent article donne un aperçu de l’impact potentiel du vaccin, mais nous examinerons également les difficultés liées à sa mise en œuvre, étant donné que les dirigeants africains se demandent s’ils doivent le déployer et comment procéder.
Environ 94 % des cas de paludisme et des décès dans le monde se produisent en Afrique subsaharienne. Cela s’explique par le fait que la majorité des infections en Afrique sont causées par le Plasmodium falciparum, le plus dangereux et le plus répandu des quatre parasites du paludisme humain en Afrique. Malgré les progrès significatifs réalisés grâce à l’utilisation accrue de moustiquaires imprégnées d’insecticide, aux pulvérisations intradomiciliaires à effet rémanent, au diagnostic rapide et à l’adoption de médicaments antipaludiques préventifs, le paludisme reste l’une des principales causes de mortalité des enfants en Afrique subsaharienne. Plus de 260 000 enfants africains meurent du paludisme chaque année. Alors que les décès dus au paludisme ont été réduits de moitié depuis l’an 2000 (figure 1), le vaccin intervient à un moment où les efforts en matière de lutte contre le paludisme se sont ralentis ou ont régressé dans certaines régions.
L’ajout du vaccin RTS,S/AS01 pourrait permettre de prévenir 30% (77 200) des décès d’enfants de moins de 5 ans, avec des avantages considérables pour la santé publique et un bon rapport coût-efficacité, en particulier dans les régions endémiques et dans les zones à forte prévalence parasitaire comme l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale (Figure 2). D’ici 2030, environ 849 200 vies seront sauvées grâce au vaccin, dans l’hypothèse d’un approvisionnement optimal et d’un déploiement plus large du vaccin en Afrique, tout en assurant la constance des autres programmes de lutte contre le paludisme ainsi que leur intensification.
Selon le programme pilote du vaccin 20219 de l’OMS chez les enfants dans trois pays africains – le Malawi, le Ghana et le Kenya – les trois doses, ainsi qu’un rappel, ont montré une efficacité modeste d’environ 36% chez les enfants (âgés de 5 à 17 mois) et d’environ 26% chez les nourrissons (âgés de 6 à 12 semaines) contre le paludisme clinique sur une période de suivi de 48 mois. Cependant, l’efficacité varie selon les sous-groupes de population et la souche parasitaire, elle diminue en l’absence de rappel et offre une protection d’une durée limitée. Les 4 doses échelonnées sont susceptibles de poser d’énormes défis en matière de mise en œuvre. Premièrement, il ne sera peut-être pas facile d’intégrer le vaccin dans les programmes de vaccination ou de lutte contre le paludisme existants; deuxièmement, le coût par enfant ayant reçu le vaccin complet varie de 25 $US (Burkina Faso) à 37 $US (Kenya) sur la base de l’hypothèse d’un prix du vaccin de 5 $US par dose (Sicuri et al. 2019).
Dans tous les pays, les coûts de fonctionnement représentaient la part la plus importante, dominée par les vaccins (y compris les pertes) et les coûts d’approvisionnement. L’administration des quatrièmes doses dans des contextes de proximité est susceptible d’augmenter les coûts dans la mesure où les pays africains déploient le vaccin dans des zones difficiles d’accès et où le prix du vaccin dans l’avenir n’est pas connu. Enfin, le vaccin peut être confronté à des défis similaires à ceux associés au déploiement des vaccins contre la Covid 19 en Afrique, notamment en ce qui concerne l’hésitation de la population et la régularité de l’approvisionnement pour garantir la disponibilité dans les zones de forte transmission et difficiles d’accès.
L’analyse a démontré que le vaccin RTS,S peut prévenir et réduire le taux de mortalité global en Afrique sub-saharienne lorsqu’il est utilisé comme stratégie de prévention pour l’éradication du paludisme. Cependant, le vaccin a une efficacité modeste et cette dernière dépend de multiples facteurs. Afin d’augmenter son efficacité contre P. falciparum, il est nécessaire d’administrer des doses multiples qui peuvent être effectuées en dehors des programmes de vaccination intégrés normaux. Le déploiement du vaccin doit toutefois être intégré aux autres programmes de lutte contre le paludisme existants, tels que l’utilisation de moustiquaires imprégnées, les diagnostics rapides et les médicaments antipaludiques. Les pays africains peuvent tirer des leçons des défis rencontrés lors du déploiement du programme de vaccination contre la covid-19 en Afrique et de la meilleure façon de plaider en faveur d’un approvisionnement continu en vaccins, ainsi que d’augmenter l’utilisation du vaccin en priorisant les zones de forte transmission dans un contexte de ressources limitées.
REFERENCES