Baptisé VB, ce variant qui provoque la survenue précoce des maladies opportunistes n’a pas pu se propager grâce à l’efficacité des programmes de prévention et de traitement avec les ARV déployés aux Pays-Bas où il circule.
Un nouveau variant du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) responsable du sida vient d’être mis en évidence aux Pays-Bas. L’information a été rendue publique le 4 février dernier par l’université d’Oxford au Royaume-Uni. Dans le communiqué de presse publié à cet effet, cette institution indique que ce variant est plus virulent et plus contagieux que celui qui est responsable de la pandémie qui dure depuis plusieurs décennies maintenant ; d’où son nom de baptême qui est VB pour « sous-type virulent B ».
Ce communiqué de presse précise que les personnes atteintes de ce variant VB ont une charge virale (le niveau du virus dans le sang) 3,5 à 5,5 fois plus élevée que chez les patients ayant le type de virus connu jusque-là. De plus, le taux de déclin des cellules CD4 (principaux acteurs du système immunitaire de l’organisme) est deux fois plus rapide chez les personnes atteintes de ce variant ; ce qui les expose au risque de développer le SIDA beaucoup plus vite. Enfin, les patients atteints du variant VB ont une probabilité plus élevée de transmettre le virus à d’autres personnes.
La découverte de ce nouveau variant est à mettre à l’actif d’une équipe internationale de scientifiques dirigée par des chercheurs du Big Data Institute de l’Université d’Oxford en Angleterre. Ces derniers ont publié l’article sur leurs travaux au début du mois de février 2022 dans la revue scientifique Science.
Circonstances
Sur les circonstances de la découverte de ce nouveau variant du VIH, Christophe Fraser, l’un des leaders de l’équipe de recherche affirme qu’elle s’est faite dans le cadre du projet BEEHIVE, une étude réalisée dans plusieurs pays d’Europe et en Ouganda pour essayer de comprendre les facteurs de génétique virale qui auraient une influence sur la charge virale des patients souffrant de VIH/sida.
Chris Wymant, autre leader de l’équipe de recherche précise que « techniquement, nous avons effectué une “analyse en composantes principales”. 15 des 17 individus que nous avons trouvés venaient des Pays-Bas. Pour nous assurer que cette découverte n’était pas qu’un hasard statistique, nous avons travaillé avec des collègues du Stichting HIV Monitoring pour obtenir beaucoup plus de données des Pays-Bas ; et nous avons trouvé 92 autres individus avec ce variant ».
Au total, l’équipe de recherche a donc identifié 109 personnes avec ce variant VB dont 107 aux Pays-Bas. Les deux autres cas ayant été trouvés respectivement en Suisse et en Belgique tandis que d’autres scientifiques ont identifié deux cas supplémentaires en Suisse. Mais, dans les données publiques, ce variant n’a été signalé nulle part ailleurs qu’aux Pays-Bas.
« Les chercheurs estiment que le variant VB est apparu pour la première fois à la fin des années 1980 et dans les années 1990 aux Pays-Bas. Il s’est propagé plus rapidement que les autres variantes du VIH au cours des années 2000, mais sa propagation a diminué depuis environ 2010 », indique le communiqué de presse.
Variation
Pour expliquer pourquoi ce n’est que maintenant que ce variant est identifié, Christophe Fraser indique que « l’étude du génome de virus comme le VIH demande des outils de pointe. Le génome est minuscule (un tiers de la taille du SARS-COV-2), et pourtant, il a une variation immense. Nous avons dû développer de nouvelles méthodes pour cette étude qui est d’ailleurs la première à vraiment chercher systématiquement la variation entre les souches du virus. Il est possible que d’autres variants plus ou moins virulents existent qui n’ont pas encore été documentés. »
Quant à la raison pour laquelle le VB ne s’est pas beaucoup propagé malgré sa contagiosité, Chris Wymant pense que cela est dû à l’efficacité des programmes de test et de traitement mis en place aux Pays-Bas qui ont bien fonctionné. En effet, les chercheurs ont constaté que les traitements antirétroviraux sont tout à fait efficaces contre le variant VB du VIH.
D’où une certaine sérénité qui prévaut chez les acteurs de la lutte contre cette maladie. La virologue Lycias Zembe qui est un cadre technique l’ONUSIDA[1] affirme ainsi qu’il n’y a pas lieu de paniquer. Car, dit-elle, les mutations sont courantes chez les virus.
Néanmoins, souligne cette dernière, « il est essentiel d’identifier rapidement les personnes susceptibles d’être infectées par le VIH et de commencer le traitement tôt car les traitements fonctionnent bien, même contre ce variant. Il est tout aussi important de s’assurer que les personnes sous traitement maintiennent la suppression virale en renforçant et en soutenant l’adhésion aux schémas thérapeutiques. »
Pour Lycias Zembe, la découverte de ce variant souligne en outre la nécessité d’une préparation et d’une surveillance pandémiques pour détecter, caractériser et réagir rapidement aux nouvelles versions d’agents pathogènes.
Surveillance virologique
Dans son analyse de cette information, Ahidjo Ayouba, chercheur à l’unité TransVIHMI de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) rappelle que le nouveau variant a été identifié sur des échantillons collectés avant 2015 et tous les patients identifiés sont aujourd’hui sous traitement ARV avec des charges virales plasmatiques non détectables.
« Le risque de diffusion de ce variant est donc minimal. Cependant, ce travail montre aussi l’intérêt de la surveillance virologique et l’importance aussi bien au niveau individuel que collectif, des traitements ARV », pointe-t-il.
Ahidjo Ayouba souligne en outre que « ce travail montre que le VIH en général et le VIH-1( Le VIH-1 est le type 1 du VIH (appellation générale). Il est responsable de la pandémie du VIH/sida) en particulier a encore des mystères. »
Lycias Zembe exhorte dès lors la communauté des acteurs de la lutte contre le VIH/sida à se redéployer ; car, constate-t-elle, pendant la pandémie de la COVID-19, les efforts de prévention du VIH ont été interrompus et peu de personnes ont entrepris un traitement contre le VIH.
« Les efforts doivent être massivement intensifiés dans ces domaines, ainsi que les investissements dans la recherche et le développement pour trouver un vaccin et un remède, afin de nous assurer que nous pouvons nous mettre sur la bonne voie pour éradiquer la pandémie du sida d’ici 2030 comme le veulent les Objectifs de développement durable (ODD) », soutient-elle.
Selon l’ONUSIDA, sur les 38 millions personnes vivant avec le VIH/sida à travers le monde, 10 millions ne sont pas sous antirétroviraux.
Julien Chongwang
[1] Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida