Depuis 2005, le Fonds mondial (FM) a accordé plus de 557 millions de dollars (557,3 millions d’euros) subventions et a décaissé plus de 425 millions de dollars (425,2 millions euros) au profit du Tchad. Les subventions actives totalisent 149,6 millions de dollars (149,7 millions d’euros) pour l’allocation de financement 2020-2022 (période de mise en œuvre de juin 2021 à décembre 2024). Il a noté que le FM opère dans un contexte particulier au Tchad car le pays est classé Contexte d’Intervention Difficile en raison de problèmes de sécurité et d’une instabilité politique (récurrente) et en 2009, le pays passait sous politique de sauvegarde supplémentaire afin de s’assurer de la « rentabilité » des investissements dans un pays rongé par l’instabilité institutionnelle.
La politique de sauvegarde supplémentaire octroie au FM le droit de choisir les agences de mise en œuvre dans les pays et pour la plupart, cela correspond à des ONGs internationales. Cependant, au Tchad, c’est le ministère de la Santé gère certaines subventions du Fonds mondial depuis 2018 en tant que récipiendaire principal à travers son Unité de Gestion des Projets (UGP) créée en 2017 dont l’objectif principal de l’UGP est de canaliser et d’avoir une vue d’ensemble sur tous les financements extérieurs de santé (Fonds mondial, de l’Alliance GAVI, de la Fondation Bill & Melinda Gates et d’ALIKO Dangoté) , ainsi que de veiller à leur utilisation efficiente en vue d’assurer la cohérence et la pérennité de la gestion de tous les projets de santé.
L’UGP a contribué à une amélioration des indicateurs aussi bien programmatiques que financiers du Fonds mondial.
En début d’année, le Bureau de l’Inspecteur Général (BIG) a d’ailleurs relevé dans son rapport d’audit de février 2023 qu’au cours des dix dernières années, le Tchad a gagné du terrain dans la lutte contre les trois maladies en réduisant à la fois les nouvelles infections et les décès.
En effet, il note que les taux d’absorption des trois subventions du Fonds sous le Nouveau Modèle de Financement 2 (NFM2) (2019-2021) étaient de 88,5% ,92% cumulée avec la subvention Palu du PNUD et ce, sans dépenses inéligibles. Cette gestion efficace s’appuie l’utilisation d’outils performants tels que le logiciel TOM²PRO pour la comptabilité et le système du mobile money pour le paiement de toutes les activités de terrain. Le pays étant vaste, l’UGP est actuellement dans un processus de décentralisation dans les 23 provinces avec une phase pilote dans 5 provinces qui a démarré cette année.
Depuis la création de l’UGP et sa manifeste progression dans la mise en œuvre des subventions qui lui sont attribuées, il en ressort que l’allocation allouée au Tchad par le FM a continué d’augmenter à chaque renouvellement de cycle financier.
Compétences et renforcement des capacités du personnel recruté
La performance dans la gestion des subventions dépend également de la qualité des ressources humaines. C’est pourquoi, tout le personnel de l’UGP est recruté à travers un processus compétitif, ouvert et transparent mené par une commission nommée par le Ministre et totalement indépendante de l’UGP.
Une fois recruté au sein de l’UGP, leurs capacités sont renforcées à travers un dispositif d’assistance technique résidentiel dans 4 domaines essentiels (gouvernance, finances-comptabilité-audit, gestion des achats et stocks et du suivi évaluation) mis à disposition par Expertise France, mais également via une agence fiduciaire faisant un contrôle financier régulier de toutes les opérations mises en œuvre par l’UGP.
Cependant, le turnover reste important au niveau du personnel recruté. En effet, certains agents après leur renforcement de capacité au niveau de l’UGP voient leur côte augmentée sur le marché de l’emploi et vont chercher ailleurs entrainant un recommencement permanent de la formation. L’UGP est actuellement en réflexion sur comment devenir plus attractif et garder ses meilleurs éléments.
Améliorer la compréhension des procédures internes
Aussi, l’UGP a révisé et validé son manuel de procédures administratives et financières selon un processus participatif avec l’implication des principaux acteurs de mise en œuvre (SR et SSR), des partenaires techniques et financiers. A la suite de la validation de ce manuel, des ateliers de vulgarisation ont été organisés avec les acteurs de mise en œuvre du niveau central et du niveau décentralisé, représenté par les délégués provinciaux et les gestionnaires.
Ces ateliers ont permis de résoudre de nombreuses incompréhensions mais aussi de prendre en compte des préoccupations pour mettre en place une meilleure appropriation des procédures administratives et financières.
La faible qualité des rapports et le retard du rapportage
Par le passé, après la tenue de l’atelier de validation des données, les différents programmes soumettaient à l’UGP les bases des données consolidées qui lui permettaient d’élaborer à elle seule les rapports de progrès de la période. Des réunions étaient organisées par la suite avec les programmes pour valider ces rapports.
Cette pratique ne permettait pas aux acteurs de vraiment comprendre le processus de rédaction de ces rapports de progrès. Ceci a amené l’UGP à organiser un atelier réunissant tous les acteurs impliqués dans la mise en œuvre afin de rédiger ensemble les rapports de progrès et demande de financement pour le deuxième semestre 2022.
L’organisation de cet atelier a permis de renforcer les capacités des acteurs de mise en œuvre dans la rédaction de ces rapports de progrès. Il s’est avéré que la qualité des rapports a été améliorée de manière signifiante grâce à cette approche innovante. L’UGP s’organise à assurer la pérennisation de cette approche qui permet également la soumission à temps des différents rapports.
Cependant, des défis importants sur la qualité des données programmatiques restent à relever. L’UGP travaille actuellement avec la direction de l’information sanitaire et les programmes pour rendre le DHIS2 opérationnel sur l’ensemble du pays et améliorer la qualité des données saisies.
Quelques difficultés liées à la distribution des produits de santé jusqu’au dernier kilomètre persistent
La quantification des produits est faite ensemble par les pharmaciens de l’UGP et des SRs. Ensuite, un plan d’approvisionnement est élaboré pour tous les produits de santé à acquérir et les experts de l’UGP procèdent à la commande à travers la plateforme Wambo. Le suivi de toutes les commandes est réalisé par la mise à jour régulier du plan d’approvisionnement. Les produits sont directement livrés à la Centrale Pharmaceutique d’Achat (CPA) et l’UGP utilise le circuit national de distribution des intrants à travers la CPA et les Pharmacies Provinciales d’Approvisionnement (PPA). Pour l’approvisionnement des centres de santé, les besoins sont collectés par les programmes à travers les points focaux et via les PPA.
C’est ainsi que depuis plus de 3 années, on enregistre rarement des ruptures de stocks au niveau central en ce qui concerne les médicaments TB et VIH gérés par l’UGP. Cependant au niveau opérationnel, des épisodes de ruptures sont encore signalés comme l’a bien décrit le rapport d’audit de février 2022 du Bureau de l’Inspecteur Général (BIG). Ceci est dû principalement aux insuffisances constées dans l’élaboration et la mise en œuvre correcte d’un plan national de distribution du niveau central vers les formations sanitaires.
Le manque criard de moyens logistiques en particulier des véhicules de transport est à l’origine de ces dysfonctionnements constatés.
Pour y remédier, plus de 40 véhicules de transport sont commandés et en cours de livraison afin d’améliorer la distribution des intrants jusqu’au dernier kilomètre sur les différentes subventions gérées par l’UGP. Un plan de transformation de la chaine d’approvisionnement (PTCA) a également été élaboré et la mise en œuvre en cours permettra d’apporter des solutions pérennes aux différents défis ci-dessus évoqués.
Le fonctionnement des organes de gouvernance/coordination en amélioration
L’UGP dispose d’un comité de pilotage qui se réunit chaque trimestre. Ces 2 dernières années beaucoup d’efforts ont été faits pour que ces réunions soient régulières. De même, des réunions de coordination sont prévues entre l’UGP et les SRs mais leur régularité est en amélioration.
Le FM exige des PR du secteur public un niveau élevé de transparence et de bonne gestion. Bien que cette exigence soit justifiée, elle représente parfois un défi auquel l’UGP s’attèle à répondre chaque jour. Comme l’a relevé le BIG, quelques défis restent à résoudre dans la gestion des subventions du FM au Tchad et notamment dans la mise en œuvre du Plan de Transformation de la Chaine d’Approvisionnement (PTCA). Cependant de grands progrès ont été fait et méritent d’être reconnus. L’UGP continuera de s’améliorer avec le concours de tous les partenaires nationaux et internationaux.
CCM Tchad