Subventions du Fonds mondial pour la lutte contre le paludisme au Ghana, en Ouganda et en Éthiopie: Réflexion sur un extrait des constats d’audit du Bureau de l’inspecteur général
Le paludisme représente une menace pour la santé publique et le développement en Afrique. En 2022, au niveau mondial, 249 millions de cas de paludisme ont causé 608 000 décès, dont 76 % concernaient des enfants de moins de cinq ans.[1] Au cours de la même année, la région africaine a enregistré 94 % des cas de paludisme et a contribué à 95% des décès dans le monde, soit 233 millions de cas et 580 000 décès [2]. L’Éthiopie, le Nigéria et l’Ouganda continuent de représenter une part considérable de la charge de morbidité mondiale liée au paludisme.
Les tendances restent également élevées dans d’autres pays africains inclus dans l’initiative “High Burden to High Impact” (d’une forte charge à un fort impact), notamment le Burkina Faso, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Ghana, le Mali, le Mozambique, le Niger et la République-Unie de Tanzanie. En 2022, le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) a mené des audits indépendants sur la performance des subventions du Fonds mondial pour le VIH, la tuberculose et le paludisme au Ghana, en Ouganda et en Éthiopie, respectivement. Le présent article analyse un extrait de la composante paludisme des constats d’audit dans chacun de ces pays.
Quels sont les points communs entre les trois pays?
Situation des interventions de lutte contre le paludisme
Le Ghana a accompli des progrès considérables en matière de prévention du paludisme, principalement grâce à son approche globale qui a permis de réduire les taux de morbidité et de mortalité. Le pays a réussi à réduire de 40 % l’incidence du paludisme et de 17 % le nombre de décès liés à cette maladie entre 2015 et 2020, grâce à de solides stratégies de prévention du paludisme, notamment la lutte antivectorielle, les chimiothérapies et la vaccination. Des progrès ont également été constatés en Ouganda, où les moustiquaires imprégnées d’insecticide sont utilisées dans toutes les régions comme principal outil de lutte antivectorielle. L’Ouganda est récemment passé à l’utilisation de moustiquaires imprégnées de pyréthroïde et de butoxyde de pipéronyle et de moustiquaires de nouvelle génération en raison de la résistance à l’insecticide utilisé dans les moustiquaires standard. Malgré ces interventions, entre 2021 et 2022, les cas de paludisme et le nombre de décès ont augmenté en Ouganda de 37 % et 28 %, respectivement, en raison des insuffisances en matière de prévention, de traitement et de qualité des données. De même, l’Éthiopie, qui a atteint une couverture importante en matière de traitement du paludisme, a toutefois connu une augmentation du nombre de nouveaux cas au cours des deux dernières années. En effet, le vecteur Anopheles Stephensi s’adapte de plus en plus aux zones métropolitaines du pays. Presque tous les cas confirmés de paludisme en Éthiopie ont été mis sous traitement, tandis que 19 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide ont été distribuées au cours des campagnes de masse 2022/2023.
Approvisionnements
Les retards dans la passation des marchés constituent un point commun aux trois pays. Au Ghana, les retards dans les approvisionnements par le gouvernement, résultant d’un engagement national non optimal en faveur de l’achat de produits en temps opportun, ont entraîné des ruptures de stock et un risque accru de rupture de stock pour les produits essentiels de prévention et de diagnostic. Ce constat est également manifeste en Ouganda, où des retards dans la distribution des produits ont entraîné des ruptures de stock dans certains établissements de santé périphériques, dont des produits essentiels tels que les traitements contre le paludisme et les tests de diagnostic, avec une durée moyenne de rupture de stock de deux mois. Les objectifs programmatiques ont été affectés par des retards dans les campagnes de distribution de masse et par la limitation de la distribution de routine de moustiquaires imprégnées d’insecticide au plus fort de la pandémie de COVID-19. Ce problème a été exacerbé par de nombreux systèmes qui ne sont pas interopérables, des infrastructures informatiques inadéquates, une alimentation électrique peu fiable et des droits d’accès et de visualisation restreints sur les systèmes électroniques mis au point, ce qui a limité le rôle de supervision du Ministère de la santé dans la gestion globale des stocks. En Éthiopie, l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide a été entravée par des retards d’approvisionnement entraînant des ruptures de stock, lesquelles ont eu un impact négatif sur la continuité des services dans le pays, y compris dans les zones en proie à des conflits.
Collecte et gestion des données
Le BIG a découvert des irrégularités importantes dans les données programmatiques de routine du Ghana, avec des écarts supérieurs à 20 % dans la plupart des sites visités. Les difficultés liées à la validation des données au niveau communautaire remettent en question l’exactitude des données générées, dans la mesure où elles ont une incidence sur la prise de décision. La mauvaise qualité des données en Ouganda et la non-atteinte des objectifs de couverture de la thérapie préventive intermittente pendant la grossesse ont eu un impact sur les interventions de lutte contre le paludisme chez les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes. En Éthiopie, la non-utilisation des données relatives à la morbidité pour la prévision de la demande a eu un impact négatif sur le programme de lutte contre le paludisme. De plus, la qualité des données générées a rendu plus difficile la disponibilité des informations pour faire face à l’augmentation du nombre de cas de paludisme en 2022.
Analyse
Malgré les progrès accomplis par les trois pays dans la lutte contre le paludisme, les résultats de l’audit montrent que le renforcement des systèmes de santé pourrait améliorer les efforts de prévention et de contrôle du paludisme. Les acteurs nationaux ont un rôle important à jouer et doivent veiller à assurer le respect des délais d’approvisionnement, la disponibilité de données de qualité permettant d’évaluer l’étendue et la gravité de la situation sur le terrain, et la structuration adéquate de la distribution au dernier kilomètre afin d’éviter les ruptures de stock au niveau de la périphérie. En outre, une planification impliquant tous les acteurs nationaux est essentielle pour assurer la disponibilité de tous les éléments nécessaires avant le déploiement des interventions de lutte contre le paludisme.