Du 04 au 09 décembre 2023, s’est tenue à Harare au Zimbabwé, la 22ème conférence internationale sur le sida et les IST en Afrique (ICASA), qui a rassemblé plus de 6000 participants de tout bord en provenance d’une centaine de pays, dont de nombreux représentants communautaires, sous le thème “Le SIDA est toujours là: Eliminons les inégalités, accélérons l’inclusion et l’innovation”. La conférence marquée par la présence du président du Zimbabwé Emmerson Mnangagwa et du président du Mozambique Filipe Nyusi durant la cérémonie d’ouverture, avait pour objectifs d’intégrer le respect de l’équité, de l’inclusion et de la diversité dans le contrôle et l’atténuation de l’impact des maladies, de consolider et d’accroître le financement national et la riposte communautaire, d’accélérer la réponse au VIH/SIDA et de faire face à la COVID-19, la variole du singe, Ebola et toutes autres maladies émergentes, de réduire l’impact de l’hépatite, de la tuberculose et du paludisme grâce au renforcement des systèmes de santé, et de produire et fournir des données factuelles évidentes pour la formulation des politiques.
La conférence intervient également au lendemain de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le Sida 2023 ayant fait l’objet d’un rapport publié par ONUSIDA. La déclaration puissante et essentielle de ce rapport est de « Confier le leadership aux communautés » car lorsque les communautés sont au cœur des initiatives, elles peuvent apporter des changements significatifs et durables.
Comment le leadership des communautés peut-il impacter positivement l’élimination du sida?
Selon le rapport de la journée mondiale de lutte contre le Sida 2023 de l’ONUSIDA susmentionné, le monde peut mettre fin au sida, avec des communautés qui montrent la voie. En effet, les organisations communautaires de personnes vivant avec le VIH, exposées au risque ou touchées par le virus sont en première ligne des progrès de la riposte au VIH. Les communautés relient les personnes aux services de santé publique centrés sur la personne, instaurent la confiance, innovent, surveillent la mise en œuvre des politiques et des services et responsabilisent les prestataires.
Le rapport souligne par ailleurs que, pour libérer tout le potentiel du leadership communautaire en vue de mettre fin au sida, il est nécessaire que:
Participation effective des communautés à ICASA
Les communautés, au rang desquelles figurent les populations-clés (PC) ont joué un rôle important dans la conférence par le partage de leurs expériences et des discussions sur les défis auxquels elles sont confrontées. Les discussions ont porté entre autres, sur la manière de renforcer l’engagement communautaire, de promouvoir l’accès aux soins de santé, de lutter contre la stigmatisation et la discrimination et d’assurer la prévention.
Ainsi, les positions des communautaires comprenaient les points suivants notamment:
Les organisations communautaires ont également organisé des événements parallèles pour sensibiliser le public aux problèmes de santé auxquels sont confrontées les populations-clés. Les activités menées par les communautés de populations clés comprenaient des séances de formation, des ateliers, des présentations et des expositions.
En outre, le village communautaire a offert une plateforme pour les PVVIH, les populations clés, les leaders communautaires et leurs partenaires pour mettre en valeur leurs programmes, services, et meilleures pratiques, partager leurs expériences et se mettre en réseau en vue des actions de soutien à la riposte visant à mettre fin au sida.
Toutes ces activités démontrent à suffisance que des efforts appréciables ont été fournis par les organisateurs de la conférence et le pays hôte, le Zimbabwe en l’occurrence, pour faire preuve d’inclusion et permettre aux communautés de s’exprimer.
Des droits et des obligations
Il est essentiel que les communautés, notamment celles des PC, qui doivent être au centre de toute action en leur faveur s’expriment sur leur vécu et que leur voix soit entendue dans toutes les décisions les concernant tel qu’elles l’expriment elles même, « rien pour nous sans nous ». En outre, le respect du droit à la santé ainsi que des autres droits humains est essentiel pour assurer une riposte globale et inclusive au VIH en vue de son élimination à l’horizon 2030.
Il est toutefois également important que les représentants communautaires qui participent aux évènements internationaux se plient à la législation en vigueur dans les pays d’accueil car « les systèmes juridiques donnent naissance tout à la fois à des droits et à des responsabilités, et il est généralement admis que tous les individus, nationaux ou non-nationaux, doivent respecter les lois et règlements de l’Etat sur le territoire desquels ils se trouvent ». Le plaidoyer pour la suppression des lois discriminatoires est un processus qui prend du temps pour aboutir à des résultats positifs, il doit être effectué de manière légale et diplomatique.
Il convient par ailleurs de relever comme point positif que les Etats sont de plus en plus conscients de la nécessité de ne pas laisser les populations clés de côté dans la riposte au VIH, à la TB et au paludisme, comme en témoignent les nombreux pays qui n’ont pas encore dépénalisé l’homosexualité et le travail du sexe par exemple, mais qui ont accueilli favorablement l’Initiative « Breaking Down Barriers » c’est-à-dire « Lever les obstacles » , initiative du Fonds mondial qui vise à supprimer les barrières liées aux droits humains qui entravent l’accès aux services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme dans 20 pays et au-delà , parmi lesquels figurent de nombreux pays africains, notamment, le Cameroun, le Bénin, le Botswana, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la République Démocratique du Congo, le Kenya, le Mozambique, le Sénégal, la Sierra Leone, l’Ouganda, l’Afrique du Sud et la Tunisie.
Au vu des objectifs spécifiques de l’Initiative qui consistent à réduire le rejet social et la discrimination liés au VIH et à la tuberculose, former les soignants aux droits humains et à l’éthique médicale, sensibiliser les législateurs et les agents des forces de l’ordre, réduire la discrimination à l’encontre des femmes, fournir une éducation juridique, offrir des services juridiques, et surveiller et réformer les lois, les règlements et les politiques, il y a lieu d’espérer que la mise à échelle effective de cette importante initiative ainsi que d’autres initiatives similaires contribuera de manière considérable à accomplir des progrès vers l’élimination des lois discriminatoires à l’égard des populations clés et à terme, à l’éradication des trois fléaux.
Rose Meku