La République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des cinq plus importants portefeuilles du Fonds mondial avec une allocation de 700,653,867 de dollars us pour le cycle de 2021-2023, si l’on considère le nombre d’habitants (111 millions), le faible niveau d’indice de développement humain (0, 479, le pays est classé 179e) et une charge élevée de la maladie. La RDC représente à elle seule 12% des cas de paludisme – Le paludisme est la cause de 40% des consultations dans le pays – et 13% du taux de mortalité dans le monde, selon le Rapport 2021 de l’Organisation mondiale de la santé.
Cela dit, la RDC est classée comme pays à fort impact, c’est-à-dire que les résultats obtenus dans le pays contribuent substantiellement aux résultats du Fonds mondial. La RDC est aussi considérée comme un contexte d’opérations difficiles. En effet, le pays a connu au cours des dernières décennies une guerre civile et des rébellions restent actives dans l’est du pays. Les infrastructures de transport et médicales sont insuffisantes dans ce vaste pays de 2.3 millions de Km2.
Le gouvernement est le principal récipiendaire des subventions avec CORDAID and SANRU comme acteurs non gouvernementaux.
Dans un contexte d’intervention difficile (selon le vocabulaire du Fonds mondial) et en vue d’assurer la pérennité et l’efficacité de ses investissements, le Fonds mondial applique une politique de zéro-tolérance à la corruption et met un place un appareil de contrôle et de mitigation des risques. Compte tenu des cas de malfaisance financières dans le passé risque, et du niveau de risques actuels, le pays est placé sous Politique de sauvegarde additionnelle avec des contrôles accrus en 2011. Cela implique la mise en place d’un agent local du Fonds, un agent fiscal installé par le Secrétariat et financé par les subventions pour obtenir ou maintenir une orthodoxie dans la gestion. Il y a également les visites quasi-hebdomadaires des membres de l’équipe pays du Secrétariat, le renforcement de l’équipe d’audit interne de l’unité de gestion du ministère de la Santé.
Le dernier rapport du Bureau de l’Inspecteur General sur la RDC publié en 2019 indiquait que la gestion financière par les acteurs publics nécessite une nette amélioration alors même que la qualité des services et la chaine d’approvisionnement se révélaient partiellement efficaces. Une investigation du BIG a relevé des surfacturations et autres fraudes avec un récipiendaire principal privé. Le rapport de recouvrement du Fonds mondial de 2022 signale un montant de 2,019,708 de dollars us de dépenses inéligibles détecté par le Secrétariat et les mécanismes de contrôle. Le gouvernement de la RDC doit rembourser ce montant.
C’est dans ce contexte qu’Aidspan l’observateur indépendant du Fonds mondial a organisé un atelier de renforcement des capacités des institutions nationales de contrôle de la RDC du 27 au 31 mars 2023 à Kinshasa. Cet atelier s’est focalisé sur les audits financier, programmatique et les aspects d’achats et approvisionnement des stocks spécifique à la RDC.
Les institutions de contrôle de la RDC ne sont pas impliquées dans les subventions du Fonds mondial
La RDC dispose d’institutions de contrôle qui ont été créées ou revigorées durant les 10 dernières années. Les institutions qui agissent ou peuvent agir dans le domaine de la santé sont la Cour des comptes qui est l’Instance Supérieure de Contrôle (ISC), l’Inspection Générale des Finances (IGF) qui est l’audit interne de l’État Congolais, et l’Inspection Générale de la santé (IGS).
Aucune de ces institutions nationales n’est officiellement impliquée dans le contrôle des interventions / investissements du Fonds mondial.
Impliquer les institutions de contrôle dans les subventions en Afrique et en RDC
Les circonscriptions d’Afrique de l’Ouest et Centre et d’Afrique de l’Est et Australe reçoivent 70% des ressources du Fonds mondial mais les institutions de contrôle africaines sont essentiellement exclues des procédures de contrôle. En effet, seule une dizaine de pays sur les 46 que comptent la circonscription africaine conduise l’audit externe annuel de leur subvention.
L’idée d’impliquer les institutions de contrôle dans les subventions d’Afrique fait son chemin mais rencontre encore des réticences.
Certains questionnent la compétence des institutions de contrôle. Ont-elles les capacités humaines et matérielles de veiller sur les ressources du Fonds mondial ? Passer en revue les rapports d’audit, d’investigations et autres développés par ces institutions pour l’Etat et d’autres partenaires, les évaluations conduites par leurs organisations faitières et la Banque mondiale contribuerait à le savoir.
Certains encore interrogent l’indépendance et l’intégrité des membres des institutions nationales de contrôle. Pourraient-ils fournir un service de qualité ? Ou pour parler crûment quel est leur niveau de corruption ? Pour le savoir, il serait important d’écouter les institutions nationales, d’impliquer leurs organisations faitières, publier leurs rapports et ceux des autres institutions de contrôle. Il faudrait mettre tous ces acteurs en compétition de façon transparente. Il faudrait considérer le financement des activités des institutions nationales de contrôle si leurs statuts le permettent. Après tout, les services des institutions privées ne sont pas gratuits non plus.
Beaucoup insistent que pour des raisons de pérennisation à l’horizon de 2023, les institutions de contrôles nationales prennent progressivement la main. Au besoin, il faudrait renforcer les capacités des institutions de contrôle par rapport aux procédures spécifiques du Fonds mondial comme Aidspan le fait. Ceci d’autant plus que les structures de contrôle privées ne sont pas non plus à l’abri des bévues et des erreurs comme le témoignent les rapports du BIG.
De fait, dans beaucoup de pays africains, les institutions de contrôle pourraient mieux soutenir les subventions du Fonds mondial si le Secrétariat leur en donne la possibilité et/ou si elles se saisissent de leurs mandats. En effet, ces institutions de contrôle nationales ont bien souvent des mandats bien plus larges que celui des fournisseurs de services du Fonds mondial. Et qu’elles sont plus « craintes » que les privés parce que leur pouvoir de dissuasion sont plus forts.
Il serait important d’avancer par étapes. Une première étape pourrait être d’impliquer les institutions de contrôle tout en gardant une partie de la machine du Fonds mondial.
Par exemple un audit interne du ministère ou de l’Etat avec un agent fiscal, ou un audit externe de la cour des comptes élaboré en collaboration avec une agence privée et avec un champ approprié de l’agent local du Fonds pourraient aider à trianguler les informations et motiver sainement tous ces acteurs de façon à améliorer la qualité de leur prestation de services et ultimement sauver des vies.