Réflexion sur la situation dans les 46 pays des circonscriptions de l’AEA et de l’AOC
Le BCA a engagé des discussions techniques avec les responsables de la mise en œuvre et les ICN de six pays à forte charge de morbidité de la TB, du VIH/TB et de la TB-MR en Afrique afin de mieux comprendre leur situation et les solutions possibles pour réduire la charge de morbidité due à la TB sans affecter négativement les programmes de lutte contre le paludisme et le VIH. Les pays impliqués dans ces discussions qui se sont tenues virtuellement le 26 août 2021 sont[1]le Kenya, le Nigéria, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. La contribution de ces pays et d’autres consultations en cours aideront à déterminer une position qui reflète la diversité des situations dans les 46 pays de nos circonscriptions de l’AEA et de l’AOC.
Cette série de discussions fait suite à la prise de conscience croissante qu’a suscitée l’initiative “Halte à la tuberculose” en ce qui concerne l’importance du fardeau de la TB dans le monde et le taux élevé de mortalité due à cette maladie. Bien que le nombre de personnes atteintes de TB soit inférieur à celui des patients souffrant du VIH ou du paludisme, la proportion de personnes qui meurent de la TB est plus élevée que celle des deux autres maladies. Dans le cadre du partenariat avec le Fonds mondial, cette prise de conscience s’est traduite par une forte pression en faveur d’une augmentation du financement de la TB et d’une réduction de l’allocation pour le VIH et le paludisme.
L’Afrique subsaharienne représente 72 % de la charge de morbidité mondiale du VIH et 94 % de celle du paludisme.[2] La répartition mondiale des allocations du Fonds mondial pour le VIH, la TB et le paludisme est respectivement de 50, 18 et 32 %. En outre, l’allocation des ressources du Fonds mondial est fonction de la charge de morbidité et du revenu national brut du pays. Par conséquent, l’Afrique reçoit actuellement environ deux tiers des ressources du Fonds mondial. Une augmentation du financement de la TB résultant d’un changement dans la répartition des allocations entre les maladies, signifiera techniquement moins d’argent pour les programmes de lutte contre le VIH et le paludisme, entraînant des perturbations dans l’octroi de subventions hautement standardisées, et également moins de fonds pour l’Afrique.
Il sera donc important pour les pays d’utiliser la flexibilité offerte par les politiques du Fonds mondial pour modifier la répartition entre les maladies dans les pays et améliorer l’efficacité des dépenses des subventions.
Les défis de la lutte contre la TB en Afrique
Parmi les personnes vivant avec ou affectées par la TB, 24% se trouvent en Afrique. Les personnes vivant avec le VIH sont 18 fois plus susceptibles de contracter la TB selon le texte descriptif de la stratégie du Fonds mondial.
Plus d’un tiers des cas estimés de TB ne sont pas détectés dans la communauté; l’accès au service de diagnostic de la TB est extrêmement limité, l’accès au test Gene Xpert est très faible & le lien pour la référence en matière de diagnostic de la TB est sous-optimal;[3] le taux de diagnostic chez les enfants est encore plus faible étant donné que les enfants représentent moins de 10% des cas de TB notifiés alors que, d’un point de vue épidémiologique, ce taux devrait être plus élevé[4];
Une capacité décentralisée limitée pour le suivi de la mise en œuvre du programme au niveau de l’établissement de soins et de la communauté constitue un problème davantage aggravé par le taux de malnutrition élevé chez les patients atteints de TB. On estime que 46% des patients atteints de TB souffrent de malnutrition au début du traitement, ce qui a un impact négatif sur les résultats du traitement;
La prise en charge de la tuberculose résistante aux médicaments (TB-RR) est encore centralisée; la stigmatisation des patients et des travailleurs de la santé; le manque de personnel qualifié pour fournir des services de lutte contre la tuberculose et le manque de personnel au laboratoire national de référence pour la tuberculose persistent; l’adoption de la thérapie préventive contre la TB pour les enfants de moins de 5 ans a enregistré une baisse avec une couverture très faible des cibles à atteindre;
Une étude récente de l’OMS a révélé que les pays à forte charge de morbidité n’ont pas atteint leurs objectifs en matière de notification de la TB, de taux de réussite du traitement et de TB chez l’enfant au cours des cinq dernières années, les pires résultats ayant été enregistrés chez les enfants; La covid-19 a également eu un impact sur le diagnostic,[5] la notification et la gestion du VIH et du paludisme.
Situation de la TB dans les six pays et compromis
Les équipes pays ont indiqué que l’incidence et la mortalité liées à la TB restent élevées et que la mortalité due à la TB chez les personnes vivant avec le VIH est également élevée. Elles ont également expliqué que la détection des cas de TB reste faible, en particulier au sein des populations clés et vulnérables telles que les travailleurs des mines, les utilisateurs de drogues injectables, les PVVIH et les personnes souffrant de comorbidités telles que le diabète et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), ainsi qu’au sein des communautés de pêcheurs; en outre, 40 à 47 % des personnes atteintes de TB ne sont toujours pas identifiées; par exemple, la Sierra Leone compte 40 % des cas de TB manquants.
Plusieurs pays ont signalé que le réseau de diagnostic de la TB est trop faible et que les ressources sont limitées pour couvrir les interventions de qualité non financées, notamment en ce qui concerne les soins pédiatriques et la TB/VIH. D’autres ont déclaré que le Fonds mondial doit encore s’attaquer aux problèmes liés aux droits civils et à l’égalité des sexes afin de faciliter la mise en œuvre de son action, notamment la réduction de la stigmatisation des patients atteints de TB.
Les participants à la réunion ont reconnu la nécessité d’augmenter le financement des interventions contre la TB afin de réduire les taux de mortalité et d’augmenter les notifications de cas. Ils ont également souligné la nécessité de ne pas interrompre le financement du VIH et du paludisme afin de maintenir les progrès accomplis jusqu’à présent.
En outre, il est nécessaire d’augmenter les investissements dans le réseau de diagnostic de la TB en déployant des technologies plus récentes en vue d’améliorer la couverture et la portée. La radiographie numérique et l’intelligence artificielle[6] pourraient permettre d’améliorer la détection et la prise en charge précoces des cas de TB chez les PCV, ce qui contribuerait à réduire les taux de mortalité et de morbidité.
D’autres domaines d’action importants consisteraient à prioriser des interventions telles que l’engagement des communautés, du secteur privé et des points de vente de médicaments agréés en vue d’améliorer la détection des cas.[7] L’investissement dans les systèmes de surveillance pour la collecte en temps utile des données sur la TB ainsi que le diagnostic et le traitement, du dépistage à l’achèvement du traitement, doivent également faire l’objet d’une attention particulière, de même que l’atteinte des populations non desservies par le biais de l’extension des services de lutte contre la TB grâce au déploiement de cliniques mobiles et à l’utilisation de points de distribution de médicaments agréés, afin d’augmenter le nombre de cas de TB notifiés. Les participants à la réunion ont insisté sur la nécessité de trouver et de traiter un plus grand nombre de personnes afin de réduire l’incidence et la mortalité dues à la TB, ainsi que de trouver et de traiter un plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH en vue de réduire la mortalité chez ces dernières.
Absorption de la subvention allouée à la TB
Les pays ont relevé le fait que le taux moyen d’absorption des subventions allouées à la TB était supérieur à 95 % pour toutes les années de la subvention 2017-2020 et ont recommandé que le Fonds mondial envisage plutôt de lever des fonds supplémentaires pour ce programme au lieu de réduire les subventions allouées au VIH et au paludisme au profit de la TB. En cas de non augmentation du financement de la TB, la lutte pour la réduction du nombre élevé de décès associés à cette maladie et le maintien des acquis de la lutte contre le VIH et le paludisme sera un véritable combat.
Les ICN peuvent modifier la répartition des allocations entre les maladies au sein des pays
Actuellement, les pays reçoivent des lettres d’allocation de subventions accompagnées d’une suggestion du secrétariat pour la répartition entre les trois maladies. Le secrétaire permanent de l’ICN du Nigéria a expliqué que les ICN ont le pouvoir d’ajuster cette suggestion de répartition des fonds. Il a également indiqué que le Nigéria a eu recours à cette flexibilité pour octroyer une subvention distincte au renforcement de son système de santé. Il a encouragé les pays à utiliser cette flexibilité pour modifier la répartition dans leur pays en fonction de leur épidémiologie et de leur contexte national. Ainsi, ils peuvent augmenter le financement proposé pour la TB sans devoir passer par un ajustement de la répartition mondiale entre les maladies par le Fonds mondial. Le BCA continuera d’engager les responsables de la mise en œuvre dans les pays et les ICN sur la façon de mieux financer la lutte contre la TB sans mettre en péril les acquis de la lutte contre le VIH et le paludisme[8]. Par exemple, est-il possible de réaliser des gains d’efficacité dans les programmes de lutte contre la TB en Afrique et hors d’Afrique? Au moment où le Fonds mondial examine cette répartition entre les maladies, il demeure important de ne pas retirer des fonds aux pays ayant la plus faible capacité contributive au profit de ceux qui ont une plus grande capacité contributive.
[1] Six pays à forte charge de morbidité de TB, VIH/TB et TB-MR en Afrique: Kenya, Nigeria, Sierra Leone, Tanzanie, Zimbabwe et Afrique du Sud.
[2] L’Afrique subsaharienne représente 72 % de la charge de morbidité mondiale du VIH et 94 % de celle du paludisme.
[3] L’accès aux services de diagnostic de la TB est extrêmement limité, l’accès au test Gene Xpert est très faible et le lien de référence pour le diagnostic de la TB est sous-optimal;
[4] Le diagnostic chez les enfants est encore plus faible, les enfants représentant moins de 10 % des cas de TB notifiés, alors que du point de vue épidémiologique, ce chiffre devrait être plus élevé;
[5] Impact de la covid-19 sur le diagnostic , les notifications de la TB et la gestion du VIH et du paludisme.
[6] Il est nécessaire d’augmenter les investissements dans le réseau de diagnostic de la TB en déployant des technologies plus récentes en vue d’améliorer la couverture et d’intensifier les examens radiologiques numériques et l’intelligence artificielle.
[7] Les principaux domaines d’intervention consisteraient à prioriser des interventions telles que l’engagement des communautés, du secteur privé et des points de vente de médicaments agréés en vue d’améliorer la détection des cas.
[8] Le BCA continuera d’engager les responsables de la mise en œuvre dans les pays et les ICN sur la manière de mieux financer la TB sans compromettre les acquis du VIH et du paludisme.