Le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) a publié trois constats d’audit concernant des programmes bénéficiant du soutien du Fonds mondial (FM) en Ouganda, en Afrique du Sud et au Zimbabwé. Ces constats font état de comportements répréhensibles de la part de certains bénéficiaires des ressources du FM dans ces pays, en violation du cadre opérationnel du FM applicable à tous les programmes soutenus par le Fonds mondial. Au moment de la publication de ce résumé, les instances de coordination nationales (ICN) de l’Ouganda et de l’Afrique du Sud avaient communiqué leurs réflexions sur les constats du BIG, exception faite du Zimbabwe.
Constats du BIG
Le 19 mai 2023, le BIG a publié trois rapports d’audit sur l’exploitation et les abus sexuels (EAS) dans les programmes bénéficiant du soutien du FM en Ouganda, en Afrique du Sud et au Zimbabwe, respectivement. Entre 2019 et 2020, le BIG a signalé les cas d’EAS suivants:
Afrique du Sud: un cadre sous-récipiendaire (SR) a abusé de sa position de pouvoir en exploitant sexuellement, en abusant et en harcelant au moins huit membres du personnel et bénéficiaires du programme.
Ouganda: un employé du SR travaillant sur un programme en faveur des adolescentes et des jeunes femmes aurait exercé des pressions, exploité sexuellement et abusé d’au moins trois bénéficiaires d’activités soutenues par le Fonds mondial.
Zimbabwe: un employé du Ministère de la santé a exploité sexuellement une bénéficiaire vulnérable dans l’un des hôpitaux ruraux de référence.
Les trois incidents ont été signalés au Fonds mondial en 2021.
Cadre opérationnel du Fonds mondial pour la protection contre l’exploitation et les abus sexuels, le harcèlement sexuel et les abus de pouvoir qui y sont associés.
Le cadre opérationnel du Fonds mondial pour la protection contre l’exploitation, les abus sexuels et le harcèlement sexuel et les abus de pouvoir qui y sont associés (PEAHS). est conçu pour protéger les bénéficiaires et les prestataires de services contre les abus. Le cadre a été publié en 2021 et a pour but de promouvoir l’intégration de la PEAHS dans la gestion des risques, le renforcement des capacités des responsables de mise en œuvre et la conception des programmes. Conformément aux processus du FM, lorsqu’un incident d’EAS a été signalé, le principal récipiendaire (PR) ou le SR doit prendre des mesures adéquates pour résoudre le problème et, dans le même temps, signaler rapidement ces allégations auprès du Fonds mondial, comme l’exige le Code de conduite pour les récipiendaires.
Il convient de noter que le cadre opérationnel sur la PEAHS a été introduit en 2021, alors que ces incidents s’étaient déjà produits. A cette époque, il n’était pas encore suffisamment intégré dans la gestion des risques au niveau de la mise en œuvre pour permettre une réponse efficace aux cas d’EAHS.
Réflexion sur les constats du BIG
Le continent africain ne cautionne pas l’EAHS et déplore fermement ces actes dans tous ses aspects. En effet, l’EAHS n’a pas sa place sur le continent, et le combat contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ne peut être remporté que si les bénéficiaires et les prestataires de services sont respectés et bénéficient de toutes les opportunités nécessaires pour accéder aux services de santé ou les fournir, sans crainte ni préjugé. Les circonscriptions africaines félicitent le BIG pour ses observations et espèrent que les survivants obtiendront justice.
L’Ouganda et l’Afrique du Sud ont également réitéré leurs préoccupations et veilleront à ce que les responsables de mise en œuvre bénéficient d’une formation sur le cadre d’EAHS.
Les incidents survenus en Ouganda et au Zimbabwe se sont produits comme par hazard au plus fort de la pandémie de COVID-19, période au cours de laquelle certaines populations vulnérables, en particulier les petites filles et les femmes, ont connu une augmentation des cas de violence sexiste et d’abus.
Constats généraux du BIG concernant les lacunes systémiques au niveau des principaux récipiendaires et des sous-récipiendaires
Le BIG a dû mener ses propres enquêtes pour assurer le respect des procédures, veiller à ce que des mesures soient prises à l’encontre des parties impliquées et améliorer les processus et les contrôles, parce que:
les enquêtes menées par les PR/SR n’étaient pas assez poussées pour permettre d’interroger les survivants et les témoins des incidents afin d’obtenir des informations de première main.
Les PR/SR ne disposaient pas d’une documentation sur leurs processus d’enquête, ce qui rendait leurs tentatives peu attrayantes pour le BIG.
Les PR/SR n’ont pas signalé les incidents au Fonds mondial immédiatement après leur survenue, ce qui a probablement prolongé les traumatismes et les souffrances émotionnelles des survivants.
Même lorsqu’un rapport était établi, il ne l’était pas par le biais des canaux de signalement des actes répréhensibles définis, ce qui pourrait avoir remis en cause la régularité de la procédure.
Les éléments susmentionnés mettent en évidence les problèmes opérationnels que le Fonds mondial devra résoudre. Le BIG ne peut atteindre qu’une fraction des personnes qui sollicitent son intervention. La constitution d’une masse critique au niveau local pourrait donc accélérer les enquêtes.
Quelques préoccupations au sujet des constats du BIG
Ce qui n’est pas clairement établi dans les constats, c’est la définition du signalement d’un cas d’EAHS. S’agit-il d’une information transmise à tout membre du personnel du PR/SR ou d’un rapport effectué par le biais des systèmes mis en place à cet effet?
Dans les procédures actuelles du Fonds mondial, il n’est pas précisé si le SR doit faire remonter les problèmes directement au Fonds mondial ou si le rapport doit passer par le PR; ce point a été soulevé par le SR de l’Ouganda pour clarification.
En outre, le Code de conduite pour les bénéficiaires stipule que l’Instance de coordination nationale (ICN) est chargée d’assurer le suivi stratégique des programmes soutenus par les ressources du Fonds mondial, en veillant notamment au respect de la conformité. L’interprétation par le BIG du processus de signalement des incidents est silencieux sur le rôle que l’Instance de coordination nationale aurait pu jouer dans le processus. Dans tous les cas, les incidents survenus en Ouganda et en Afrique du Sud mettent clairement en évidence une grave lacune dans la notification d’un incident d’EAHS au Fonds mondial.
Recommandations pour le renforcement de la mise en œuvre du PSEAH
Renforcement des capacités en matière d’enquête et de documentation des procedures
Les réponses des dirigeants des PR/SR mettent en evidence certaines lacunes dans la capacité à mener des enquêtes systématiques et à documenter les procédures en bonne et due forme. Il est donc important que le FM assure le renforcement systématique des capacités des ICN, des PR et des SR sur le cadre de la PEAHS. Nous remercions les ICN de l’Ouganda et de l’Afrique du Sud qui ont déjà pris l’initiative de veiller à l’adhésion des nouveaux SR au cadre, à l’intensification de la sensibilisation et à l’intégration des composantes de la PEAHS dans les cadres d’évaluation des SR. L’ICN du Ghana a déjà mis en place un réseau pour assurer la promotion de la PEAHS dans le pays, notamment en promouvant un environnement exempt d’EAHS.
Améliorer la préparation au programme de PEAHS aux niveaux local et national
Les étapes requises pour la remontée des problèmes vers le FM devront être méthodiquement documentées afin de ne pas se reposer uniquement sur le BIG. Au fur et à mesure que la sensibilisation s’intensifiera, les cas signalés augmenteront certainement, ce qui exigera un niveau de préparation accru pour traiter efficacement les cas de traumatisme, les atténuer ou les gérer au niveau national et au niveau des PR.
Assurer une réponse rapide dans le cadre de la PEAHS
En outre, le Secrétariat du Fonds mondial devra opérationnaliser les délais impartis et les définir en vue d’atténuer la subjectivité. Souvent, certains cas de cette nature nécessitent du temps pour établir les faits relatifs à l’incident afin d’éviter toute situation d’alarme et de découragement, tandis que dans d’autres cas, il peut être plus adapté de s’en tenir à la limite du perçu ou du réel.
Quoi qu’il en soit, un travail sérieux attend à la fois les responsables de mise en oeuvre et le FM pour une opérationnalisation cohérente en vue de produire les résultats escomptés.