La thérapie antirétrovirale est-elle efficace? Non en cas d’échanges de fluides et de surinfection
Par Alice M. Simushi
L’esprit est l’arme la plus puissante de l’être humain. Tout commence et finit dans l’esprit: nos croyances, nos valeurs, nos attitudes, nos comportements, nos ambitions et nos découvertes. Avant de pouvoir aborder la question du comportement humain, il est nécessaire de comprendre l’état d’esprit. Lorsqu’il s’agit d’échanges de fluides et de transmission du VIH/sida, c’est dans l’esprit que commence le processus de décision.
Selon l’ONUSIDA, les besoins en préservatifs masculins dans 47 pays d’Afrique subsaharienne étaient estimés à six milliards en 2015. Pourtant, selon les estimations, seuls 2,7 milliards de préservatifs ont été distribués. Les recherches indiquent également que depuis 2015, l’utilisation des préservatifs en Afrique subsaharienne a continuellement baissé. Dans son article intitulé “Africa Not on Target to Reach 2030 HIV/AIDS Targets”, Ochieng’ Ogodo affirme que la probabilité que les pays africains atteignent les objectifs en matière de dépistage du VIH et d’utilisation des préservatifs d’ici 2030 n’est que de 12,1 % et 28,5 % respectivement.
Les statistiques ci-dessus suscitent les questions suivantes:
Certaines réponses sont basées sur des faits tandis que d’autres relèvent de la spéculation. Une chose est sûre : nos choix sont déterminés par notre état d’esprit, qui fait de l’échange de fluides, de leurs risques et de leurs conséquences une question de responsabilité individuelle. On peut se demander pourquoi les individus ont encore du mal à assumer la responsabilité de leur propre corps et de leur comportement sexuel.
Echange de fluides et quête de transcendance
Healthline décrit l’échange de fluides “comme la décision d’arrêter d’utiliser une protection barrière pendant les rapports sexuels et d’échanger des fluides corporels avec son partenaire. Ces fluides comprennent la salive, le sperme, l’éjaculat et le sang. L’échange de fluides est pratiqué pour apparemment améliorer l’expérience sexuelle, créer une intimité et, dans certains cas, atteindre la transcendance ou la transformation métaphysique d’un état physique à un état spirituel.
L’échange de fluides est généralement influencé par le conditionnement absolu d’un sexe (généralement le sexe féminin) à assouvir le plaisir sexuel de l’autre. Ce conditionnement est historique et tellement ancré qu’il n’a plus besoin d’être exprimé. Il se traduit par des sous-entendus et une pression silencieuse pour céder à la volonté d’un homme, qu’il l’exprime ou qu’il le laisse simplement entendre. La chambre à coucher reste le seul endroit où les femmes ont du mal à négocier de manière efficace. Bien qu’elles soient puissantes dans leurs entreprises ou leurs études, des millions de femmes sont impuissantes lorsqu’elles sont face à l’opportunité de faire cette déclaration simple mais pourtant salutaire: “J’ai besoin que tu mettes un préservatif.”
Une autre raison pour laquelle l’échange de fluides est pratiqué est la perception d’une confiance totale entre les individus, surtout si la relation dure depuis un certain temps. L’un des partenaires ou les deux peuvent avoir la ferme conviction que la relation est monogamique, que cette monogamie soit prouvée ou non. La décision d’avoir des rapports sexuels non protégés devient alors un gage d’allégeance et une démonstration de foi et de loyauté.
La réalité méconnue de la surinfection
La disponibilité de la thérapie antirétrovirale (TAR) et de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) a créé une aversion pour les pratiques sexuelles protégées. Les conversations avec les groupes à faibles revenus, en particulier, révèlent que le TAR est largement considéré comme la solution magique à l’infection par le VIH. Les notions et anecdotes suivantes sont courantes:
Ils font allusion à la croyance selon laquelle les rapports sexuels protégés enlèvent le plaisir de l’acte. La panique absolue et la peur de la transmission du VIH des années 1990 et du début des années 2000 ne sont plus qu’un lointain souvenir. Avec une faible ou inexistante connaissance de la surinfection et de la co-infection, ces communautés sont devenues de plus en plus négligentes dans leurs habitudes et pratiques sexuelles.
Ce qu’ils ignorent, c’est que le TAR et la PrEP peuvent être affectés et rendus inefficaces par une surinfection ou une co-infection par le VIH. Selon le Lancet Journal of Infectious Disease, la surinfection par le VIH se produit lorsqu’un individu porteur du virus du SIDA est infecté par une nouvelle souche de VIH distincte. La co-infection est décrite comme l’infection initiale avec deux autres souches. La revue indique également qu’il est difficile et coûteux de dépister et d’identifier la surinfection. Ce fait souligne immédiatement la nécessité pour les continents économiquement faibles comme l’Afrique d’adopter des mesures proactives pour prévenir les cas de surinfection au lieu de chercher à les traiter en situation de crise.
Cela fait environ dix ans que les scientifiques et les chercheurs ont reconnu que la surinfection était plus répandue qu’ils ne le pensaient au départ. La recombinaison virale a entraîné la création de souches résistantes aux médicaments qui accélèrent la progression du VIH vers le sida et, finalement, la mort.
Quelle est la marche à suivre ?
Une éducation rigoureuse et un counseling à long terme
Les communautés des régions où le VIH est prévalent ne sont pas toujours conscientes des risques et des conséquences de la co-infection et de la surinfection. Ceux qui en sont conscients mais qui continuent à s’adonner à des activités sexuelles à risque ont besoin d’un counseling à long terme qui aborde et traite les problèmes psychologiques, émotionnels et culturels qui les empêchent de faire des choix plus prudents. Défaire les anciennes dynamiques et en apprendre de nouvelles est un processus qui exige d’accepter que le manque de pouvoir sur son propre corps continuera à causer des dommages, des maladies et des décès prématurés.
L’aspect santé mentale des pratiques sexuelles à risque doit être abordé. Les services de counseling doivent être accessibles, abordables, durables et efficaces. Il convient d’abandonner l’approche universelle et d’encourager les approches sur mesure, telles que le dialogue personnalisé. En effet, les problèmes et les dynamiques qui rendent difficile la pratique d’une sexualité sans risque varient toujours d’un individu à l’autre. L’information fournie par les praticiens de la santé doit toujours évoluer de ce que les communautés savent déjà à ce qu’elles ne savent pas encore.
Traitement précoce (tester et traiter)
Le traitement antirétroviral doit être proposé lors de la première visite dans un établissement de santé qualifié, plutôt que de recourir aux méthodes de test de la numération des CD4. En 2016, le National Center for Biotechnology Information (NCBI) a publié un article intitulé “CD4 Cell Count: Declining Value for Antiretroviral Therapy Eligibility’ (Comptage des cellules CD4: Valeur réduite pour l’éligibilité à la thérapie antirétrovirale’). L’article avait trait à une étude qui a été menée dans le KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, et dans le district de Mbarara, en Ouganda. Selon les résultats de l’étude, le dépistage communautaire du VIH a permis de déterminer que 65 % des patients déclarés éligibles pour un traitement antirétroviral par le biais de tests CD4 au point de service lors de tests à domicile et de visites de counseling n’ont pas initié de traitement antirétroviral à la clinique locale pour cause de non-éligibilité après un nouveau test.
Les retards fréquents en matière de traitement dans les centres médicaux communautaires et gouvernementaux ont souvent amené les patients à ne pas revenir pour le traitement et le suivi. En plus de la frustration, l’anxiété, la perte de courage et la progression des infections opportunistes qui paralysent l’individu, ont contribué à ce qu’un grand nombre de patients ne se présentent pas pour le suivi de leur traitement. Par conséquent, ils ont continué à s’adonner à des pratiques sexuelles à risque, aboutissant à des infections croisées au sein de leur communauté.
C’est également à cette époque qu’a été introduite l’approche ” tester et traiter ” (Universal Test and Treat, UTT). Au fil du temps, cette approche a largement dépassé l’approche traditionnelle consistant à utiliser la numération des CD4 comme mesure pour l’initiation au TAR. Cette révision de la politique a permis de mettre en place des processus de traitement précoces chez les populations à haut risque et de garantir l’existence d’un continuum de soins pour les cas contact. Les premières études de cas au Botswana, en Zambie, en Ouganda, au Kenya et en Afrique du Sud ont montré une réduction annuelle significative de la prévalence du VIH de 20 à 30 %. Le succès est considérable, avec plus de 20,1 millions de personnes sous traitement antirétroviral dans les pays où le Fonds mondial a investi en 2019.
Afin de réduire l’attrait perçu de l’échange de fluides et d’autres pratiques sexuelles à risque, les approches suivantes doivent être envisagées:
L’évolution progressive des mentalités entraînera un changement des comportements et, par conséquent, des taux de prévalence du VIH/sida.
Sources: