La troisième conférence internationale sur la santé publique en Afrique qui s’est tenue à Lusaka en Zambie du 27 au 30 novembre 2023, s’est avérée être une plateforme essentielle dirigée par l’Afrique. Des dirigeants de l’ensemble du continent se sont rassemblés pour relever des défis cruciaux en matière de santé mondiale, en abordant un large éventail de questions. Parmi celles-ci, le financement durable de la santé est apparu comme un sujet de premier ordre présenté lors d’un événement parallèle organisé par le Fonds mondial. Au cours de cet événement, l’attention a été attirée sur le rôle transformateur de la déclaration de la réunion des dirigeants africains (ALM) en matière de mobilisation des ressources nationales, offrant ainsi une voie prometteuse vers des solutions durables en matière de soins de santé pour l’Afrique.
L’Afrique a enregistré des progrès considérables en matière d’espérance de vie, grâce à des programmes louables, essentiellement financés par des donateurs, qui ciblent des problèmes de santé majeurs tels que le VIH, la tuberculose, le paludisme, les maladies de la mère et de l’enfant. Toutefois, la dépendance persistante à l’égard de sources de dépenses régressives en matière de santé, telles que les paiements directs, et le déficit important par rapport à l’objectif de la déclaration d’Abuja ont entravé les progrès réalisés.
Malgré des engagements de haut niveau, peu de pays africains ont atteint l’objectif de la déclaration d’Abuja de 2001 consistant à allouer au moins 15 % de leur budget au secteur de la santé. Les conséquences de cette situation sont perceptibles au niveau de l’inefficacité des dépenses de santé. Selon le FMI, les dépenses de santé inefficaces coûtent à l’Afrique subsaharienne près de 10 années de vie ou 1 % du PIB en moyenne. Les facteurs contribuant à cette inefficacité sont la corruption et la fraude, la lenteur dans l’absorption des fonds, les travailleurs fantômes et la mauvaise qualité des soins.
L’initiative de la réunion des dirigeants africains est apparue comme une force de transformation en réponse au besoin urgent d’un financement durable de la santé. Ce parcours a commencé avec la déclaration d’Abuja de 2001, un document qui constitue un jalon dans l’histoire. S’appuyant sur cette base, l’Assemblée de l’Union africaine a adopté en 2016 le tableau de bord de l’Afrique sur le financement intérieur de la santé, qui fournit un cadre complet pour le suivi des progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif d’Abuja. En 2019, dans l’optique de renforcer l’engagement collectif, S.E. le Président Paul Kagame a réuni tous les chefs d’État de l’Union africaine pour ratifier la déclaration de la réunion des dirigeants africains. Ce moment historique a marqué le lancement officiel de l’initiative ALM, qui vise à obtenir “Plus de santé pour l’argent disponible” ,assurer l’équité et l’amélioration de la protection financière, et promouvoir le leadership et la coordination par les pays.
Mise en œuvre de l’initiative ALM : Un effort de collaboration pour le changement
En 2020, un accord a été conclu en vue d’établir des hubs de financement de la santé en Afrique australe et de l’Est au sein des communautés économiques régionales. Par la suite, en 2022 et 2023, des dialogues nationaux sur le financement de la santé ont été organisés au Malawi, en Zambie, au Kenya, au Mozambique, à Maurice et au Rwanda, réunissant les principales parties prenantes pour délibérer sur les stratégies et les mécanismes de financement durable de la santé.
En règle générale, les pays organisent des activités préalables au dialogue, comprenant la cartographie des parties prenantes, des revues documentaires, la sensibilisation et des ateliers, afin d’établir une base stratégique pour des discussions inclusives. Les événements relatifs au dialogue, qui englobent les discussions techniques, l’alignement des partenaires, l’engagement du secteur privé et les engagements en faveur des réformes prioritaires, servent de point de convergence de l’expertise et de l’engagement. Les mesures prises après le dialogue assurent une dynamique soutenue grâce au suivi, à l’assistance technique permanente et au contrôle à l’aide d’outils et d’indicateurs convenus. L’approche collaborative, impliquant diverses parties prenantes, dont les OSC et les partenaires de développement, font des dialogues un catalyseur de changement, stimulant un écosystème de soins de santé résilient et durable en Afrique.
Les communautés économiques régionales (CER) jouent un rôle essentiel en tant que responsables régionaux de la mise en œuvre de l’agenda de la réunion des dirigeants africains (ALM). Travaillant en collaboration directe avec les ministères de la santé et des finances des pays, les CER servent d’intermédiaires essentiels dans la coordination et l’exécution des dialogues nationaux sur le financement de la santé, garantissant un alignement sans faille sur les priorités nationales en matière de financement de la santé. En consultation avec les CER, les pays assument chacun la responsabilité finale de la convocation et de la coordination de ces dialogues, créant ainsi un cadre de collaboration qui tire parti de l’expertise et des ressources régionales tout en permettant des approches adaptées et spécifiques à chaque pays en matière de financement durable de la santé.
Le Fonds mondial a apporté son soutien à l’agenda de l’ALM par le biais de subventions de la Fondation Bill et Melinda Gates (BMGF). Ce financement, décaissé par le Fonds mondial, permet aux communautés économiques régionales (CER) de travailler directement avec les pays dans la mise en œuvre de l’agenda de la réunion des dirigeants africains et notamment des dialogues sur le financement de la santé au niveau national.
Au moment où l’Afrique est confrontée aux défis du financement de la santé, l’initiative de la réunion des dirigeants africains est une lueur d’espoir. S’inspirant des expériences réussies du Rwanda et de l’île Maurice en matière d’augmentation des ressources nationales pour la santé, un appel retentissant a été lancé en vue de renforcer la capacité des ministères de la santé à élaborer des argumentaires d’investissement irréfutables qui trouvent un écho auprès des ministères des finances. Cet effort va au-delà d’une simple demande de financement; il est question de présenter de manière efficace la valeur ajoutée des investissements dans le domaine de la santé sur le plan économique.
En encourageant la collaboration, l’engagement politique et la mobilisation efficace des ressources, la réunion des dirigeants africains guide les pays africains vers un financement durable de la santé, dans le but d’améliorer les résultats sanitaires pour tous. Bien que le chemin à parcourir présente des défis indéniables, notamment face aux problèmes macroéconomiques, la réunion des dirigeants africains incite à l’optimisme et place l’Afrique en position de parvenir à une plus grande équité et résilience en matière de santé. Le soutien continu des partenaires aux communautés économiques régionales (CER) reste crucial, en leur donnant les moyens d’aborder les conditions préalables à des dialogues nationaux fructueux. Dans le cadre du nouvel ordre de santé publique pour l’Afrique, ce soutien durable est essentiel pour étendre ces dialogues vitaux à un plus grand nombre de pays africains, en garantissant une approche globale et inclusive pour faire progresser le financement durable de la santé sur l’ensemble du continent.