En Décembre 2020, Il a été rapporté par les pays plus de 71 554 018 cas à travers le monde entrainant 1 613 671 décès selon le Covid-19 Science and Engeneery (CSSE) John Hopkins University. Selon la même source les pourcentages des cas rapportés par les pays selon les estimations récentes se déclinent comme suit : Amérique environ 48,5%, Asie environ 31,35%, Europe environ 15,7%, Afrique environ 4,2%. Soit en nombre, pour l’Afrique, 2 381 003 cas enregistrés et 56 342 décès. Ce faible pourcentage rapporté en Afrique pourrait être lié à une sous notification de cas (insuffisance d’information et de sensibilisation des personnes, dispositifs insuffisants de dépistages, système d’information faibles). Il en va de même pour le faible taux de décès d’environ 1,7% qui pourrait s’expliquer également par un facteur additionnel, notamment la jeunesse de la population. Aussi, ceci est d’autant plus probable que le pourcentage le plus élevé de cas reportés se situe dans la tranche d’Age de 29 à 39 ans et 50% des cas se situent approximativement entre 29 et 65 ans. Par ailleurs on note que 75% des décès est du fait des personnes vulnérables (pathologie associée) ou des personnes de plus de 65 ans comme dans le reste du monde. Enfin, ces données de morbidité relativement bas en Afrique, ont également été expliquées par le fait de l’utilisation de certaines molécules déjà utilisées en Afrique antiparasitaires comme la chloroquine, les antirétroviraux et certains antibiotiques comme l’Azithromycine susceptibles d’être actif sur le coronavirus. Dans la même veine, en Grande Bretagne et Afrique de l’Est et du Sud des recherches en cours ont permis d’établir une protection entre 35% et 50% chez les personnes ayant été vaccinées par le BCG. Malgré ces taux bas, on note que l’épidémie affecte de plein fouet les secteurs économiques, sociaux et sanitaires, mettant en cause la mise en œuvre des programmes et les gains difficilement obtenus dans la lutte contre les trois maladies infectieuses tueuses en Afrique au sud du Sahara que sont la Tuberculose, le Paludisme et le SIDA.
En termes de prévention, seules les mesures barrières, de lavage des mains avec du savon et de confinement ont montré une relative efficacité. Des essais thérapeutiques pour la recherche de traitement et de vaccins sont en cours d’évaluation. A ce jour le traitement demeure symptomatique.
Impact de l’épidémie sur la disponibilité de l’offre de soin en Afrique
A cette étape de l’évolution de l’épidémie, il est ambitieux d’aborder la question de l’impact sanitaire de la Covid-19. L’analyse des tendances épidémiologiques (résultats programmatiques de la mise en œuvre des programmes de lutte contre le VIH, la Tuberculose et le Paludisme), financières et sociales permet déjà de dire qu’on note un plafonnement des résultats programmatiques par rapport aux données de l’année précédente à la même période.
Cependant, dans la plupart des pays en Afrique de l’Ouest et du Centre, les mesures de prévention de l’infection au covid-19 (distanciation sociale, limitation des déplacements, fermeture des établissements de petits commerces et de restauration) a entrainé une diminution de la fréquentation des centres de santé avec une baisse dans la performance des résultats de dépistage VIH, de traitement par ARV et de distribution de routine des moustiquaires et des traitements surtout pour les enfants. Il a également été noté des ruptures de stock liées aux retards d’approvisionnement des médicaments et un absentéisme des soignants ayant un impact sur la disponibilité des services.
Selon l’OMS, lors de la réunion de l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OAS) tenue le 20 juillet sur l’impact de l’épidémie dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, les données préliminaires du Cap en Afrique du Sud ont permis de constater que les personnes affectées par le VIH ou la Tuberculose ont présenté 3 fois plus de risque de décès du fait de l’infection par la COVID-19 que la population générale. Selon l’ONUSIDA a cette même réunion, un model EPI prédit qu’une interruption de six mois de traitement doublerait le risque de mortalité chez un patient atteint de VIH.
Il convient de noter également que l’impact économique de la pandémie au Covid-19, due aux mesures de prévention dans les pays ou 40 à 50% des personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et 60% dans le secteur informel, sera très important. L’impact sur les petits prestataires de services, les restaurateurs, les transporteurs et même les agents de l’éducation est d’autant plus préoccupant, qu’il risque de faire basculer ces populations déjà économiquement vulnérables, en dessous du seuil de pauvreté. Ceci entrainant des difficultés supplémentaires d’accès aux services de santé mettant à mal des gains programmatiques si difficilement acquis.
Face à cette situation, des réponses ont été données et des évaluations sont en cours et permettrons de mieux affiner cet impact sur des pays ayant déjà un système de santé très fragile, qui ont bénéficié d’importants investissements pour atteindre le niveau actuel, mais qui sont encore loin d’atteindre les résultats des objectifs de développement (ODD) en matière de santé. Notamment le taux de mortalité maternelle et infantile, les 3×90 pour le VIH, l’élimination pour le paludisme et le rattrapage des cas manquants pour la tuberculose.
Quelles réponses ont été données par les pays Africains ?
La plupart des pays ont mis en place des plans de réponse nationales multisectorielles coordonnés par des comités représentant les différents départements techniques en s’appuyant sur les directives de l’OMS. L’action des comités ont permis de mettre en œuvre des mesures de prévention, notamment de confinements et de fermeture des lieux publics, de fermetures des frontières, de couvre-feu dans le but de couper la chaine de contamination. Les pays ont pu faire face également à la propagation de l’épidémie et assurer la sécurité sanitaire à l’aide de mesures de mitigation suivantes:
– La protection financière et sociale pour permettre la couverture universelle en termes d’accès pour tous afin de respecter l’équité, les droits humains et le genre (mise en pratique de politiques et des soins différenciés) ;
– La mise en place et amélioration des capacités de diagnostic de façons intégrée ;
– La disponibilité des médicaments avec des succès variables (les stocks de sécurité prêtés n’ont pas toujours été remis en place par certains pays qui doivent bénéficier d’appui pour l’amélioration de la gestion des médicaments) ;
– La continuité des services de prévention et de prise en charge des autres maladies y compris ceux pour la COVID-19 en permettant également le bon fonctionnement des laboratoires (renforcement des capacités du personnel soignant) ;
– Le renforcement du système de rapportage des données afin d’améliorer la connaissance de la maladie et la prise décision sur des données factuelles ;
– L’implication de la société civile, du secteur privé et des communautés dans les interventions, au reporting et à la prise de décision ;
– La mise en place ou le renforcement de systèmes nationaux de réponse aux épidémies à travers la surveillance et la recherche.
Quelles réponses ont été données par la communauté internationale et les partenaires ?
A l’instar des pays, les partenaires au développement s’inscrivent activement dans cette réponse. Selon le Directeur Général de L’organisation ouest africaine de la santé (OOAS), le Pr. Stanley Okolo, les modèles épidémiologiques et économiques ont démontré qu’il y aurait un impact important de l’épidémie au Corona sur le paludisme, HIV, Santé de la reproduction, sante infanto- juvénile et sur les autres services de sante non épidémiques. L’OOAS a déjà mis en place les mesures suivantes :
– Mise en place d’un stock tampon d’antirétroviraux (ARV) régional basé en Côte d’Ivoire
– Engagement de chaque pays à mettre en place un point focal Covid-19 auprès des ministères de la santé
Ces dispositions ont fait l’objet d’un document de stratégie transmis à la CEDEAO avec Les recommandations de la rencontre déclinées ci-dessous :
– Davantage de soutien à la réponse communautaire ; généraliser les soins alternatifs, la distribution plurimensuelle et la distribution communautaire des ARVs
– Utilisation de méthodes virtuelles d’engagement pour devenir un atout pour les activités futures, et Investissement dans des plateformes en ligne permanentes pour le renforcement des capacités et l’engagement des parties prenantes dans la réponse nationale
– Les droits de l’homme et la lutte contre la stigmatisation doivent être au cœur des programmes de santé, en particulier ceux qui s’adressent aux populations clés
– Favoriser l’émergence d’une industrie locale.
L’Union Africaine quant à elle, lors de Africa Leadership Meeting qui s’est tenu du 08 au09 octobre 2020 a permis de faire le point sur les actions entreprises et la mise en œuvre des recommandations des plans de réponse avec les Ministres de la santé, les Ministres des finances des pays et le président du conseil d’administration du Fonds Mondial Dr Donald Kaberuka.
Pour le Fonds Mondial, soucieux de préserver l’état de santé des ressources humaines et des instances opérationnelles contractées par lui pour le suivi des programmes, il s’agit entre autres de préserver les acquis de 20 ans de lutte contre les trois maladies dans un contexte de réflexion sur la prochaine stratégie post 2022. Il apparait déjà que le renforcement pour un système de sante pérenne et résiliant est un des axes stratégiques de la prochaine stratégie.
Par ailleurs, selon le fonds Mondial, il faut rappeler que les enjeux sont de taille au niveau des montants investis et des gains programmatiques obtenus lors de la précédente stratégie même si les objectifs en sont pas totalement atteints. Il convient de rappeler ici 70 % des ressources du fonds Mondial est investi en Afrique avec environ 32% en Afrique de l’Ouest et du Centre avec des taux d’absorption faibles due au contexte difficile de pauvreté, émaillé de crises socio politiques entrainant des déplacements de population et aggravant ainsi la fragilité des personnes déjà vulnérables. Parallèlement, l’Afrique subsaharienne concentre la plus grosse part du poids épidémique des trois maladies (90% Paludisme, 70% HIV et 25% des cas de Tuberculose)
En outre, l’espace budgétaire réduit de ces pays la faiblesse des systèmes des santé et le faible investissement des pays dans les budgets de sante impacte négativement les résultats des programmes.
Quelles sont les prochaines étapes et les opportunités pour les pays africains ?
La pandémie au nouveau coronas virus 2019 a montré que les systèmes de santé dans le monde et particulièrement en Afrique sont fragiles et ne sont pas suffisamment résilient et réactif à apporter une réponse adéquate à l’épidémie de la Covid-19 mettant ainsi en danger la sécurité sanitaire au niveau mondial.
Il est d’autant plus critique d’aborder cette problématique alors que des réflexions sont engagées dans le cadre de la prochaine stratégie du Fonds Mondial. En effet, le renforcement des systèmes de santé comme un axe stratégique en vue de pérenniser les acquis et tenter d’atteindre les prochains objectifs d’élimination des maladies en 2030.
A cet effet, selon une étude de l’Agence Française de Développement, un quart des ressources du Fonds Mondial serait actuellement déjà dévolu au renforcement du système de santé et des discussions sur la stratégie du renforcement et sur ses modalités sont en cours et ont déjà fait l’objet d’orientations et des recommandations suivantes :
– Les financements du Fonds Mondial donnent la priorité aux systèmes de santé et communautaires les plus fragiles les plus pauvres et dont les populations sont les plus vulnérables
– Une meilleure appréciation des composantes socioéconomiques pour arriver à la fin de l’épidémie sera renforcée (équité dans l’accès aux soins pour une réduction du ticket modérateur des usagers)
– L’engagement du fonds mondial devra prendre en compte les leçons apprises à travers l’épidémie du Covid-19 comme moyen d’accélération
– Le développement de la prochaine stratégie post 2022 devrait s’inscrire dans un processus de pérennisation et de révision du mode opératoire et des procédures du fonds mondial sur des périodes de planification plus longues de renforcement de système
L’Afrique saura-t- elle saisir cette opportunité pour le renforcement de son système de santé afin d’assurer une sécurité sanitaire à sa population ? Les discussions avec les leaders africains, Ministres de la santé et Ministres des finances ont eu lieux et continuent sur la stratégie de réponse à l’épidémie au Covid19.
Quelles sont les opportunités pour les pays africains à mobiliser davantage de fonds dans le cadre de la stratégie post 2022 du fond mondial pour la couverture sanitaire universelle et la sécurité sanitaire ?
Octobre 2020
Fatima Touré