Le Bureau de la Circonscription Africaine a été spécialement créé pour assurer que les pays africains sont bien représentés et que les acteurs gouvernementaux de mise en œuvre du continent sont efficacement entendus au sein du conseil d’administration et des comités du Fonds mondial. Alors que le Fonds mondial prépare sa nouvelle stratégie post-2022, les pays des circonscriptions africaines insistent pour des investissements vigoureux dans la mise en place de systèmes de santé résilients et pérennes. Appuyer les systèmes de santé portera sur la gestion et l’approvisionnement des stocks d’intrants nécessaires pour la prévention et les soins, l’appui au système communautaire et au système de laboratoire et la collecte et l’utilisation intelligible des données.
Sur le continent Africain singulièrement, les systèmes de santé restent fragiles, principalement en raison du manque de ressources matérielles, financières et humaines mais aussi des problématiques de gouvernance, leadership. Ainsi, au fil des années, beaucoup ont pris conscience du fait que le bon fonctionnement et l’efficacité des systèmes de santé sont essentiels pour atteindre les objectifs nationaux et internationaux en matière de santé. Des systèmes de santé solides ne sont pas seulement essentiels pour mettre fin au VIH, à la tuberculose et au paludisme en tant qu’épidémies, mais ils produisent des résultats de santé plus larges. C’est conscient de cet enjeu que l’Initiative avait en février 2020 dans le cadre du « Projet d’Appui aux pays francophones de la Circonscription d’Afrique de l’Ouest, du Centre, de l’Est et Australe» mis en œuvre par le BCA et AIDSPAN, appuyé l’organisation de l’atelier sous-régional « Investir dans le système de santé : un levier majeur pour accroître l’impact des subventions en Afrique de l’Ouest et du Centre ». Cet atelier avait pour but d’aider les pays à améliorer la qualité des requêtes de financement par une structuration du dialogue sur le renforcement des systèmes de santé et l’intégration des programmes.
En effet, des systèmes de santé résilients et pérennes sont nécessaires pour accélérer les progrès vers la couverture sanitaire universelle (pour ne citer que cela), et ils aident les pays à lutter contre de nouvelles pandémies comme le COVID-19 et à se préparer aux menaces émergentes pour la sécurité sanitaire mondiale.
Souvent parent pauvre des systèmes de santé, l’approche communautaire s’avère plus effective et efficace et les résultats ne laissent planer aucun doute. L’actuelle crise sanitaire a montré à plusieurs égards que des systèmes de santé résilients et pérennes ne sauraient exister sans un sous bassement communautaire, et permettent d’assurer la continuité des soins, le suivi ainsi que la présence et la proximité que nécessitent certaines pathologies.
Sur le continent, plutôt avec des revenus modestes, le Rwanda illustre ce que nous venons de discuter. Le pays a fait des progrès sans précédent dans l’investissement et la garantie de la couverture sanitaire universelle et de la santé pour tous les Rwandais. Plus de 90% de la population est couverte par des régimes d’assurance communautaires et privés. La participation obligatoire aux mutuelles de santé et aux subventions publiques pour les pauvres a conduit à une amélioration considérable de la santé publique et des soins de santé avec des résultats presque inédits au cours de deux dernières décennies.
Le Rwanda a marqué des améliorations significatives dans le contrôle de l’épidémie de paludisme. Grâce à la mise à l’échelle nationale de la gestion communautaire, et à de fortes interventions de communication pour le changement de comportement social, entre novembre 2016 et mars 2017 par exemple, il y a eu une baisse de 50% des cas de paludisme grave. D’autres mesures comprennent la mise en œuvre de diverses interventions de lutte, des campagnes de distribution de masse de moustiquaires imprégnées d’insecticide de longue durée, la pulvérisation résiduelle intérieure.
En même temps, selon l’enquête 2018-2019 de l’évaluation de l’impact du VIH basée sur la population au Rwanda, le pays a réalisé des progrès éloquents par rapport aux cibles 90-90-90 du Programme commun des Nations Unies sur le VIH. Les principales conclusions indiquent que le Rwanda a atteint 84-98-90, en particulier chez les femmes, et il était prévu que le pays dépasse chaque objectif en 2020. En effet, 83,8% des adultes vivant avec le VIH connaissaient leur statut. Parmi les adultes qui connaissaient leur statut, 97,5% étaient sous traitement antirétroviral (TARV) dont 90,1% avaient une suppression de la charge virale. Pour éliminer la transmission du VIH de la mère à l’enfant, un ensemble de services a été mis en œuvre, notamment un soutien communautaire, des conseils et des tests de dépistage du VIH parmi tant d’autres.
Le Rwanda a atteint les objectifs du Millénaire pour le développement 4 et 5, à savoir réduire la mortalité infantile et améliorer la santé maternelle. Le taux de mortalité maternelle a baissé régulièrement, passant de 476 pour 100 000 naissances vivantes en 2010 à 210 pour 100 000 naissances vivantes en 2015. Depuis 2016-2017, 98% des femmes accouchent désormais dans des établissements de santé. Les taux de mortalité néonatale sont tombés à 20 pour 1000 naissances vivantes. En outre, les taux de mortalité des moins de cinq ans sont tombés à 50 pour 1 000 naissances vivantes et les taux de mortalité infantile sont tombés à 32 pour 1 000 naissances vivantes.
Plus de 98% des enfants rwandais sont vaccinés contre 12 antigènes pour les protéger contre la tuberculose, la poliomyélite, la diphtérie, le tétanos néonatal, la coqueluche, l’hépatite B, l’hémophilus, la grippe de type B, le streptocoque, la pneumonie, le rotavirus et la rubéole. Il faut également indiquer que le pays est le premier d’Afrique à introduire le vaccin contre le papillome humain (VPH) avec une couverture de 97% et que les femmes enceintes se font vacciner contre le tétanos lors des visites prénatales.
Au Rwanda, il y a environ 58 000 agents de santé communautaires dans tout le pays, dont 66% sont des femmes. Élu par sa communauté, l’agent de santé communautaire est le premier point de contact pour les communautés à établir des liens avec le secteur de la santé, y compris pour la COVID. Formés par le ministère de la Santé, les agents de santé communautaires peuvent dépister et traiter les cas modérés de paludisme, de diarrhée, de pneumonie, fournir des méthodes de planification familiale et effectuer un suivi de la croissance et un dépistage de la malnutrition. Ils fournissent aussi des tests de grossesse pour améliorer l’utilisation précoce des soins prénatals et réduire la mortalité maternelle et néonatale et le retard de croissance.
De l’autre côté, il faut montrer que le temps moyen, en minutes, pour atteindre l’établissement de santé le plus proche est passé de 95,1 minutes en 2010 à 49,9 minutes en 2017. Le nombre de services de soins de santé primaires, y compris les hôpitaux, les centres de santé, les cliniques spécialisées et les dispensaires, est passé de 490 établissements en 2008 à 1497 en 2017.
En outre, le Rwanda connait quelques innovations dans le domaine de la santé dont l’utilisation de drones médicaux, en partenariat avec Zipline, qui permet de fournir des produits médicaux vitaux, tels que du sang et des vaccins, aux hôpitaux éloignés du pays bénéficiant à plus de 8 millions de personnes. Il faut également noter l’ajout des systèmes numériques mises en œuvre pour améliorer la prestation des services de santé.
Il convient de souligner que ce développement phénoménal du secteur de la santé au Rwanda dépend d’une combinaison de plusieurs facteurs. En premier, l’investissement conséquent dans ce domaine mais aussi à des initiatives comme l’introduction des agents de santé communautaires (non rémunérés mais dont les coopératives sont financièrement soutenues par le gouvernement et les partenaires) la politique générale du gouvernement qui ne tolère pas la médiocrité et dont la gestion est méticuleuse. Dans le même ordre d’idée, il faut reconnaitre le rôle considérable joué dans le renforcement des systèmes de santé par des partenaires sous les auspices de l’Organisation Mondiale de la Santé, le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI).
En 2017, le président Paul Kagame s’exprimant à l’ouverture de la 37ème réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial qui s’est tenue à Kigali a salué le rôle primordial du Fonds mondial dans le progrès du secteur de la santé : « Il est juste de dire que le Fonds mondial est peut-être le partenariat de développement le plus conséquent et le plus efficace de l’histoire. Le Fonds était en soi une innovation, une façon fondamentalement nouvelle de faire des affaires. Se rassembler si fermement pour collecter les fonds nécessaires pour lutter contre les menaces sanitaires majeures montre que nous avons également les moyens de relever les nombreux autres défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. »
Le financement et l’intervention du Fonds Mondial dans la lutte contre les trois maladies a bien fonctionné au Rwanda vu que la vision du pays a établi des stratégies claires basées sur un bon leadership et surtout une bonne coordination et complémentarité entre les bailleurs et le gouvernement. Cela nous indique que ça peut fonctionner ailleurs. C’est pourquoi nous avons besoin d’investir dans les systèmes de santé résilients et pérennes surtout en prenant en considération les domaines ou le Fonds Mondial dispose d’avantages comparatifs: données, systèmes communautaires, les chaines d’approvisionnement et laboratoire.
Christelle Muvunyi et Djesika Amendah