Les données sur le VIH, la tuberculose et le paludisme (VTP) en Afrique indiquent que, parmi les trois maladies, c’est le VIH qui présente l’écart le plus faible vers la réalisation de l’objectif de développement durable à l’horizon 2030. Toutefois, bien que de très fortes avancées aient été enregistrées en ce qui concerne la réduction des décès liés au sida dans les pays bénéficiant du soutien du Fonds mondial, les progrès sont mitigés et varient de manière significative d’une région à l’autre. Par exemple, c’est en Afrique subsaharienne que les réductions les plus importantes des nouvelles infections à VIH ont été enregistrées.
Par ailleurs, la tuberculose reste un problème de santé publique important dans la région africaine de l’OMS qui compte 23% des nouveaux cas et 31% des décès liés à la TB alors qu’elle ne représente que 15% de la population mondiale. La lourde charge de morbidité liée au VIH dans la région se reflète dans les 20 % de nouveaux cas de tuberculose signalés chez les personnes vivant avec le VIH et le sida. Il est important de noter que l’écart entre le nombre estimé de cas de tuberculose et le nombre de cas notifiés reste important, et que les lacunes dans l’enregistrement du nombre réel de cas de tuberculose résistante aux médicaments sont encore plus marquées. L’identification des cas de tuberculose chez les enfants constitue un défi supplémentaire.
Fait encore plus inquiétant, le nombre de cas de paludisme a augmenté alors que les progrès contre la maladie ont stagné, mettant en péril nos précieux acquis et menaçant notre capacité à réaliser des progrès supplémentaires. 95 % des cas de paludisme et 96 % des décès dus à cette maladie surviennent en Afrique, et un peu plus de la moitié des décès dus au paludisme dans le monde sont enregistrés dans quatre pays africains: Le Nigéria (31,3 %), la République démocratique du Congo (12,6 %), la République-Unie de Tanzanie (4,1 %) et le Niger (3,9 %).
La COVID-19 a démontré qu’on ne peut pas s’intéresser à une seule maladie sans tenir compte du système sur lequel repose sa prise en charge. Au niveau des pays, c’est souvent le même établissement et le même personnel qui sont chargés de la gestion des trois maladies et des autres maladies pour lesquelles le système de santé est utilisé. La solution réside dans une plus grande appropriation par les pays et dans l’alignement sur les plans locaux. Dans quelle mesure les Africains sont-ils habilités à trouver des solutions locales à des problèmes locaux? À l’heure actuelle, les concepts et les outils de lutte contre le paludisme par exemple, sont tous importés, ce qui laisse peu de place aux solutions locales. Il est important d’accorder plus de place aux communautés et aux systèmes communautaires au lieu de concentrer la majorité des activités au niveau des établissements de santé. Si l’approche biomédicale est essentielle pour traiter les maladies, la prévention ne doit pas être uniquement biomédicale.
Les circonscriptions de l’AEA et de l’AOC reconnaissent la gravité des risques pour les communautés et leurs progrès en matière d’équité sanitaire, de droits humains et d’égalité des sexes. Les chefs d’État africains ont prévu une réunion en début d’année 2024 pour se recentrer sur la lutte inachevée contre le VIH et discuter du financement. Les dirigeants africains ont également relancé la lutte contre le paludisme, l’exemple le plus marquant étant celui du Nigéria. Des efforts sont également déployés pour que la couverture sanitaire universelle soit étendue à tous sans discrimination en vue d’assurer véritablement son caractère universel.
Nous partageons le point de vue sur les forces et les défis auxquels le Fonds mondial est confronté dans son soutien aux pays pour la mise en place de systèmes de santé résilients et pérennes (SSRP). Dans les pays soumis à la politique de sauvegarde additionnelle, l’instance de coordination nationale se retrouve à jouer le rôle d’arbitre entre le gouvernement, qui est aux commandes du SSRP, et les ONG internationales, qui sont les principaux récipiendaires lors de la préparation de la demande de subvention et au début de la phase d’octroi de la subvention. Dans les pays qui ne sont pas soumis à la politique de sauvegarde additionnelle, nous disposons d’un système de santé en phase d’apprentissage. Mais le problème réside en partie dans le fait que nos pays disposent de plans stratégiques de lutte contre le VTP, mais n’ont pas de plan de développement de leur SSRP. Il est également nécessaire de comprendre la complémentarité. Par exemple, le Sénégal a élaboré un plan stratégique intégré pour le VIH, la tuberculose et le paludisme dans le but d’optimiser les ressources. Mais le pays est conscient de problèmes tels que le changement climatique, les contextes d’intervention difficiles et les mouvements de population associés à des problèmes d’insécurité.
Pour assurer efficacement la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, nous avons besoin d’une plus grande appropriation par les pays, d’une utilisation plus rationnelle des ressources disponibles, d’un délai plus long et de la présence à la table des négociations de personnes et d’institutions compétentes en matière de préparation aux pandémies et de systèmes de santé. En effet, les spécialistes des maladies ne sont pas toujours les mieux placés pour discuter du renforcement des systèmes de santé et de sa mise en œuvre.
Par ailleurs, le Fonds mondial doit sortir des sentiers battus. Sa définition de ce qu’est le SSRP, par exemple, est très restrictive. Au Ghana, le gouvernement a mis en place un système de drones pour la livraison au dernier kilomètre. Mais ce type d’investissement n’entre pas dans le cadre du SSRP tel qu’il est envisagé par le Fonds mondial. Une telle décision est difficile à comprendre compte tenu de la nécessité d’améliorer la chaîne d’approvisionnement au Ghana. De même, l’Union africaine a lancé une initiative sur la masculinité positive: Les hommes en tant que champions pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles en Afrique, avec des chefs d’État comme promoteurs. Nous nous demandons s’il est possible de travailler avec l’Union africaine (UA) sur ce programme et si cette collaboration peut contribuer à améliorer les résultats.
Le Fonds mondial adopte une approche plus ambitieuse et plus systématique dans le cadre du CS7, notamment par le biais de partenariats ciblés, d’exigences telles que le marqueur de l’égalité des sexes, et de nouvelles définitions et orientations pour soutenir l’évaluation des risques liés aux droits humains et à l’égalité des sexes dans les contextes des pays, des programmes et des subventions, afin d’identifier les stratégies d’atténuation appropriées. Toutefois, la mise à l’échelle de programmes de qualité reste un défi pour faire face aux risques dans le climat politique actuel et pour élaborer une approche plus ambitieuse et plus systématique. Les Africains doivent être impliqués dans les solutions et leur voix doit être entendue.