Contribution de l’autotest du VIH à la réalisation du premier objectif «95 » de l’ONUSIDA
Contexte
Les objectifs 95-95-95 de l’ONUSIDA sont des projets ambitieux visant à mettre fin à l’épidémie de sida d’ici à 2030. Le premier de ces objectifs est d’assurer que 95 % de toutes les personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique. Il est essentiel d’atteindre cet objectif, car la connaissance du statut sérologique est la première étape vers l’accès au traitement et la prévention de la propagation du virus.
L’autotest du VIH s’est imposé comme un outil essentiel dans cette démarche. En offrant aux individus un moyen pratique, privé et accessible de réaliser eux-mêmes le test, l’autotest du VIH permet de lever un certain nombre d’obstacles associés aux méthodes de dépistage traditionnelles, notamment la stigmatisation, la discrimination et les difficultés logistiques liées à l’accès aux établissements de santé.
Selon les statistiques mondiales actuelles sur la sensibilisation au VIH et le dépistage, en 2023, environ 86% de personnes vivant avec le VIH dans le monde connaissaient leur statut sérologique. Cela signifie qu’environ 5.4 millions de personnes ignoraient leur statut sérologique et avaient encore besoin d’accéder à des services de dépistage.
Exploration de l’autotest du VIH
Typologie:
Il existe deux principaux types d’autotests de dépistage du VIH, notamment: les autotests rapides, qui peuvent être effectués à domicile et donnent des résultats en 20 à 40 minutes. Ils impliquent généralement le prélèvement d’un échantillon de liquide buccal ou d’une petite quantité de sang par piqûre au doigt, et les autotests par correspondance qui nécessite le prélèvement d’un échantillon (généralement de sang par piqûre au doigt) qui est envoyé à un laboratoire pour analyse. Les résultats sont généralement disponibles en quelques jours.
Les deux types d’autotests sont conçus dans le souci d’assurer une facilité d’utilisation et constituent un moyen confidentiel de connaître son statut sérologique.
Potentiel:
L’autotest du VIH améliore considérablement l’accessibilité et la commodité à plusieurs égards, notamment:
- Confidentialité et respect de la vie privée: l’autotest du VIH permet aux individus d’effectuer leur test dans l’intimité de leur domicile, réduisant ainsi la peur de la stigmatisation.
- Commodité: les personnes peuvent effectuer le test au moment et à l’endroit qui leur conviennent, sans avoir à prendre rendez-vous ou à se rendre dans des établissements de santé.
- Autonomisation: l’autotest du VIH permet aux individus de prendre le contrôle de leur santé. Il encourage les personnes qui ne voudraient pas se faire dépister autrement à le faire; par exemple, les personnes appartenant à des populations à haut risque ou celles qui n’ont jamais subi de test de dépistage auparavant.
- Une plus grande portée: l’autotest du VIH permet d’atteindre des populations mal desservies par les systèmes de santé traditionnels, en particulier dans les zones rurales ou éloignées.
- Résultats rapides: La plupart des autotests du VIH donnent des résultats en 20 à 40 minutes, permettant ainsi de prendre des décisions rapides et d’établir un lien avec les soins si nécessaire.
Précision et fiabilité:
La plupart des autotests du VIH ont une sensibilité (capacité à identifier correctement les personnes séropositives) et une spécificité (capacité à identifier correctement les personnes séronégatives) élevées. Par exemple, de nombreux autotests ont une sensibilité d’environ 99.7% et une spécificité d’environ 99.9%. L’exactitude des autotests peut être affectée par la «fenêtre sérologique», c’est-à-dire le temps qui s’écoule entre l’exposition potentielle au VIH et le moment où le test peut détecter le virus de manière fiable. La majorité des autotests sont peu efficaces pour détecter les infections très récentes (au cours des dernières semaines) parce qu’ils détectent principalement les anticorps, qui mettent du temps à se développer. La fiabilité des autotests peut également dépendre de la manière dont l’utilisateur suit les instructions. Des études ont montré que la plupart des personnes peuvent utiliser avec précision les dispositifs d’autotest, mais qu’une utilisation incorrecte peut conduire à des résultats erronés. Toutefois, un résultat positif obtenu à partir d’un autotest doit toujours être confirmé par un test de suivi effectué par un professionnel de la santé afin d’en garantir l’exactitude.
Défis et limites
L’autotest du VIH présente de nombreux avantages, mais il s’accompagne également de certains défis et limites.
Outre la « fenêtre sérologique » mentionnée plus haut et le fait que l’exactitude des autotests peut être compromise si les utilisateurs ne suivent pas correctement les instructions, il existe d’autres limites telles que l’absence de conseil, de lien avec les soins, la stigmatisation et la discrimination dans une certaine mesure, ainsi que le coût et l’accessibilité:
- Contrairement aux tests traditionnels effectués dans les établissements de santé, les autotests de dépistage du VIH n’offrent pas un accès immédiat à des conseils et à une assistance professionnels, ce qui peut s’avérer particulièrement délicat pour les personnes dont le test est positif et qui ont besoin d’un soutien émotionnel et de conseils sur la conduite à tenir.
- Il peut être difficile de s’assurer que les personnes dont l’autotest du VIH est positif se soumettent à un test de confirmation et à des soins ultérieurs. En l’absence d’un suivi adéquat, les personnes risquent de ne pas recevoir le traitement et le soutien nécessaires,
- Si les autotests de dépistage du VIH peuvent réduire la stigmatisation en permettant des tests privés, les personnes dont le test est positif peuvent toujours être confrontées à la stigmatisation et à la discrimination, ce qui peut les dissuader de solliciter une prise en charge plus avancée.
Dans certaines régions, le coût des kits d’autotest du VIH peut constituer un obstacle et leur disponibilité peut être limitée dans les zones reculées ou mal desservies.
Études de cas et programmes pilotes réussis
Les cas suivants illustrent la mise en œuvre réussie d’initiatives d’autodiagnostic du VIH dans certaines régions:
- Initiative STAR en Afrique: L’initiative STAR (HIV Self-Testing Africa), financée par Unitaid, est l’un des programmes d’autodépistage du VIH les plus importants et les plus réussis. Mise en œuvre dans plusieurs pays africains, dont le Zimbabwe, le Malawi et la Zambie, cette initiative a permis de distribuer des millions de kits d’autotest du VIH. Elle a permis d’augmenter considérablement les taux de dépistage, en particulier au sein des populations à haut risque, et a contribué à normaliser le dépistage du VIH.
- Intégration de la PrEP et de l’autotest du VIH: des études ont montré que l’intégration des autotests du VIH aux programmes de prophylaxie pré-exposition (PrEP) peut être très efficace. Par exemple, un programme au Kenya a fourni des kits d’autotest du VIH aux personnes sous PrEP, qui ont permis un suivi régulier et une détection précoce du VIH, garantissant ainsi un lien en temps opportun avec les services de prise en charge.
Le rôle vital des organisations communautaires et des prestataires de soins de santé
Les organisations communautaires et les prestataires de soins de santé jouent un rôle crucial dans la promotion de l’autodiagnostic du VIH. Les organisations communautaires distribuent souvent des kits d’autotest du VIH, les rendant ainsi accessibles aux personnes qui ne fréquentent pas nécessairement les établissements de santé. Il s’agit notamment d’atteindre les populations à haut risque et les personnes vivant dans des zones reculées.
Les organisations communautaires et les prestataires de soins de santé élaborent et diffusent du matériel éducatif sur les autotests du VIH. Ils mènent des campagnes de sensibilisation pour renseigner les gens sur la disponibilité, les avantages et l’utilisation correcte des autotests, fournissent des conseils avant et après le test aux personnes qui utilisent ces autotests pour les aider à comprendre leurs résultats et à prendre les mesures appropriées qu’il s’agisse d’effectuer un test de confirmation ou d’accéder à des services de prévention et de traitement.
En outre, les organisations communautaires créent souvent des environnements sûrs et favorables où les individus peuvent se sentir à l’aise pour discuter de leur statut sérologique et accéder à des kits d’autotest tandis que les prestataires de soins de santé jouent un rôle essentiel en veillant à l’orientation des personnes dont le test de dépistage du VIH est positif vers un test de confirmation et des soins ultérieurs. Ils les aident à s’orienter dans le système de santé et leur apportent le soutien médical nécessaire.
Les organisations communautaires et les prestataires de soins de santé plaident en faveur de politiques qui soutiennent l’intégration des autotests du VIH dans les stratégies nationales de lutte contre le VIH. Ils oeuvrent à la réduction de la stigmatisation et de la discrimination, en facilitant l’accès aux autotests et leur utilisation.
Recommandations
Pour maximiser l’impact des autotests du VIH, les recommandations suivantes sont proposées:
- Accélérer le processus d’approbation réglementaire des kits d’autotest du VIH afin d’en accroître la disponibilité
- Mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation à grande échelle afin d’informer le public sur les autotests du VIH
- Mettre en place des systèmes solides pour s’assurer que les personnes dont le test de dépistage est positif sont rapidement mises en lien avec des services de test de confirmation et de traitement.
- Intégrer les autotests du VIH dans les programmes de prévention et de traitement du VIH existants afin d’en améliorer la portée et l’efficacité.
Conclusion
L’autotest du VIH est une innovation essentielle dans la lutte contre le VIH/sida lorsqu’il est mis en œuvre et soutenu de manière efficace. Si les défis sont relevés et les stratégies recommandées mises en œuvre, l’autotest du VIH peut contribuer de manière significative à la réalisation du premier objectif «95» de l’ONUSIDA et, à terme, à l’éradication de l’épidémie de sida d’ici à 2030.
Par Rose Meku
