Situé en Afrique de l’Ouest, le Cap-Vert est un archipel composé de multiples îlots et de dix îles, dont neuf sont habitées. Le paludisme [1] est endémique au Cap-Vert depuis la colonisation des îles au cours du XVIe siècle. Cependant, le pays est en bonne voie pour atteindre l’élimination du paludisme à l’horizon 2020. Par le passé, le taux de transmission du paludisme était faible, avec des épidémies sporadiques liées à des précipitations anormalement élevées. La transmission du paludisme a été arrêtée deux fois [2] dans l’histoire du pays mais pas de manière durable, très probablement en raison d’un fort mouvement des populations entre les îles et les pays endémiques.
L’élimination du paludisme au Cap-Vert requiert des efforts et des interventions pour relever de nombreux défis. L’histoire de la maladie dans le pays confirme qu’elle a été éliminée deux fois dans le passé, mais que ces progrès n’ont pas été maintenus. Les données épidémiologiques confirment la présence constante de cas de paludisme, le rapport démontre également que le nombre d’infections transmises par d’autres régions en dehors de l’île est plus élevé que celui des infections contractées localement sur l’île.
Au cours de la dernière décennie, 2010 – 2020, un total de 841 cas ont été signalés. Les derniers 423 cas locaux ont été enregistrés lors de l’épidémie de 2017. Depuis janvier 2018, le pays a cessé d’enregistrer les cas locaux. Etant ainsi sur le point d’achever une période de trois ans sans cas locaux, le pays travaille actuellement avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le processus de certification de l’élimination.
D’une part, le maintien du nombre de cas à zéro nécessite des efforts dans les interventions et la riposte. D’autre part, des actions plus importantes sont nécessaires dans la recherche, le diagnostic, le traitement et le suivi des cas. Les plus grands défis dans la prise en charge des cas de paludisme au Cap-Vert [3] sont liés à la situation géographique du pays. Le fait qu’il soit un archipel et qu’il ait des liens fréquents avec des pays endémiques d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, par exemple le Brésil, augmente les chances que le paludisme soit endémique dans le pays.
La présence du moustique vecteur, Anopheles arabiensis, sur plusieurs îles du Cap-Vert avec une capacité de transmission et des conditions environnementales et climatiques favorables et d’autres facteurs tout aussi importants, favorise la prolifération des moustiques. En outre, la faible capacité de surveillance des cas, basée sur la riposte en fonction des cas, signifie que les cas importés ne sont suivis qu’après confirmation par une structure sanitaire, qui peut se baser sur les cas locaux enregistrés, après de longues périodes sans cas enregistrés.
Malgré les défis signalés, le pays [4] dispose d’une excellente chaîne de riposte sanitaire, avec des structures d’appui efficaces dans les 22 municipalités ainsi que dans les hôpitaux centraux et régionaux et les centres de santé du pays. Des techniciens formés capables de fournir les services de diagnostic requis, un traitement efficace du paludisme et des soins appropriés, y compris un solide suivi des cas, assurent la gestion de toutes ces structures de soins.
Que pouvons-nous apprendre du Cap-Vert?
Au Cap-Vert, le paludisme est une maladie à notification obligatoire qui fait partie du Système intégré de surveillance des maladies, de réponse et d’intervention (SVIRE). Au niveau central, le Service de surveillance épidémiologique et le Programme national assurent la surveillance du paludisme.
Les cas de paludisme sont détectés systématiquement au niveau des structures de santé (centres de santé, hôpitaux) conformément à la définition des cas figurant dans le guide national de diagnostic et de traitement du paludisme. Chaque cas suspect fait l’objet d’un test de diagnostic rapide (TDR) et/ou d’une microscopie (goutte épaisse et frottis sanguin) pour confirmer ou écarter une infection à Plasmodium.
Chaque cas de paludisme confirmé est d’abord notifié à la Délégation de la santé (DS) concernée et au PNLP immédiatement. Par le biais du remplissage du formulaire de notification dédié à cet effet, une seconde notification est faite dans un délai de 24 à 48 heures. Chaque cas de paludisme confirmé donne lieu à une investigation par une équipe multidisciplinaire de la Délégation de la santé [5] (technicien de laboratoire, clinicien, agents de lutte anti-vectorielle et épidémiologiste).
Au niveau des ménages, les cas sont déclarés dans un délai de 48 heures suivant leur détection. Tous les cas sont hospitalisés pour un minimum de trois [6] jours à l’hôpital central ou régional. Une fois le traitement terminé, le patient est renvoyé chez lui et la délégation de la santé continue à suivre le cas.
Les données du système de surveillance du paludisme sont basées sur des outils spécifiques d’enregistrement, de notification et de rapport et/ou sur le système intégré de surveillance, d’intervention et de riposte aux maladies (SVIRE). Au niveau des unités sanitaires de base, il existe un registre spécifique pour l’enregistrement des cas suspects de paludisme testés (ce registre contient l’identifiant du patient, la date du jour, le nom du patient, les TDR réalisés/résultats).
Au niveau des Hôpitaux Centraux, il existe des registres de prise en charge des patients. Les laboratoires ont des registres spécifiques pour les cas de paludisme testés. Actuellement, le pays est en train de mettre en place le système DHIS2, qui pour le programme de paludisme est déjà bien avancé, permettant ainsi de disposer de données de meilleure qualité.
La volonté politique, notamment les collaborations intersectorielles [7] avec les institutions internationales, les leçons du passé, la bonne réactivité associée à la facilité d’accès aux services de santé et la bonne sensibilisation de la population en matière de demande de services de santé, entre autres, sont des facteurs qui ont permis au pays d’atteindre zéro cas de paludisme local [8]. Pour l’avenir, il faudra donc s’efforcer de maintenir ces acquis, de les consolider et d’empêcher la réapparition de la maladie dans le pays dans les années à venir.