L’Afrique compte une population de 1 338 676 397 habitants et à la date du 13 Juin 2020 un nombre total de 228 496 cas de COVID-19 et 6098 décès ont été recensé. L’Afrique subsaharienne quant à elle déclare son premier cas le 27 février 2020 au Nigéria. Après une période de flottement en février et mars marquée par des interrogations, des doutes sur comment faire face à ce qui allait être une autre bataille contre un ennemi invisible, les pays africains déjà durement affectés par les épidémies du VIH, paludisme et Tuberculose, ont affronté les défis liésà cette situation de la crise sanitaire sans précédent. Malgré le pessimisme de toutes les prévisions sur sa capacité à réagir et à résister durablement à l’ampleur de cet événement sans précédent, l’Afrique a su anticiper et a très vite pris la juste mesure de la situation car sachant qu’elle ne doit pas baisser les bras malgré la très grande vulnérabilité de ses systèmes sanitaires, sociales et économiques face à un fléau qui n’avait pas fini de secouer les systèmes de santé qu’on pensait inébranlables.
Le Sénégal et Covid-19
Le Sénégal, compte 16 717 343 habitants, ce qui lui confère la 23ème place en Afrique en termes de population. Comme beaucoup de pays africains, iln’a pas été épargné par le fléau, avec 4 996 cas de COVID-19 en date du 13 juin 2020, il occupe la 9ème place en termes de nombre total de cas confirmés. Ainsi le pays compte 299 cas confirmés pour un million d’habitants, ce qui le place à la 17ème place en Afrique. Chiffre qui est très élevé comparé avec le reste de l’Afrique qui est à 177 cas /1 million d’habitants (soit 228 496 cas au total sur une population de 1 338 676 397 habitants). Cependant, avec 3, 59 décès pour 1 million d’habitants, le pays est classé au 20ème rang en Afrique en termes de nombre de décès à population égale. Le taux de léthalité reste relativement faible au Sénégal (3,59 décès pour 1 millions d’habitants contre 4, 56 morts pour 1 million d’Habitants, soit 6098 décès sur une population de 1 338 676 397 habitants en Afrique). Depuis le 2 mars 2020 date à laquelle le pays a enregistré son premier cas de COVID-19, la maladie s’est propagée dans le pays malgré les mesures de riposte précoce prises par les autorités sanitaires.Plus récemment, le pays enregistre de plus en plus de cas issus de la transmission communautaire répartis pour la plupart dans la capitale Dakar et dans trois régions à forte densité de population.Ce qui explique une expansion assez rapide depuis le mois mai 2020. Si la tendance continue, il est à craindre de l’avis des autorités, une transmission communautaire massive qui peut dépasser les capacités de prise en charge de la réponse sanitaire qui jusque-là a montré une certaine résilience au vu du taux relativement faible des décès.
Défis et réponse nationale
Comme partout ailleurs, le secteur de la santé très sollicité dans la gestion des cas, est contraint à mettre en avant les urgences liées au contrôle de l’infection au COVID-19. L’impact de l’épidémie sur les stratégies de prévention et de prise en charge des patients des maladies chroniques se font sentir de plus en plus avec une mise en question des acquis déjà engrangés par les programmes. Fort de cette délicate situation ayant un impact négatif sur l’ensemble du système de santé, l’Etat du Sénégal a réactivé sonComité National de Gestion de l’Epidémie (CNGE)qui était déjà créé depuis 2016 lors de l’épidémie à EBOLA en Afrique de l’Ouest. Instrument de riposte doté de moyens de diagnostic (bien qu’il utilise des moyens issus du secteur privé), des traitement (Centre des opérations d’urgence sanitaire (HEOC) acquis grâce à la coopération américaine en 2016),et surveillance épidémiologique jusqu’au niveau décentralisé sur toute l’étendue du territoire. Pour éviter que la population déjà éprouvée par tant d’autres affections ne paie le lourd tribut de cette pandémie, en particulier chez les vulnérablesau VIH/Sida et à la tuberculose, les programmes de lutte contre la maladie ont élaboré des plans de contingenceafin, d’une part, contribuer à la riposte nationale contre le COVID-19 pour améliorer la résilience du système de santé et d’autre part, renforcer ses stratégies de lutte en les adaptant dans ce contexte sanitaire particulier pour éviter que les performances acquises ne soient fragilisées. Les communautés sont également joué leur partition les mesures visant la rupture de la chaine de transmission, par leur responsabilisation et leur engagement dans la surveillance à base communautaire, en tenant compte de leur diversité.
Adaptation de l’ICN au Contexte COVID-19
Le Sénégal comme ailleurs en Afrique a adapté les missions et responsabilités de son Instance de Coordination National (ICN) au contexte COVID-19. La soumission qui était programmée pour la deuxième fenêtre du Fonds mondial (25 Mai) a été finalement repoussée à la fenêtre 2c (30 Juin 2020) pour des contraintes internes au pays (renouvellement des Plans Stratégiques, finalisation des études et évaluations en cours) sans compter ceux qui sont liés directement à la pandémie qui se sont invitées de façon inopinée (restriction des déplacements physiques et des moyens de communications habituelles). En acteur averti et grâce à la magie des nouvelles technologies et l’appui des partenaires techniques et financiers qui se sont tous mobilisés dès le début, une nouvelle forme de travail s’est développée pour faire face. Les équipes de travail et les instances de coordination ont fait montre d’une parfaite maitrise des plateformes de communications et travail (ZOOM, Blue Jean, Cisco Webex, WhatsApp, Skype, Espace virtuels de partage et d’échange de documents …) et finalement, hormis quelques difficultés liées à la connectivité qui ont été vite maitrisés grâce à la compétence et la persévérance des personnes ressources du Secrétariat Permanent et l’assistance technique des PTF qui se sont tous mobilisés pour lettre à la disposition du pays leurs plateformes informatiques.
L’épidémie a provoqué plusieurs bouleversements sur l’organisation sociale en général. Bouleversements du fait du mode de transmission de la maladie, de la rapidité de la contamination, qui impliquent des mesures préventives allant dans le sens des limitations des contacts sociaux avec un impact sur le mode de vie de la société sénégalaise (état d’urgence et couvre-feu, interdiction des déplacementspériurbains et des rassemblements religieux et à l’occasion des cérémonies familiales très prisées par les sénégalis, distanciation physique en se privant de serrer la main en saluant, distanciations sociales …).
La coordination de la mise en œuvre du programme a été poursuivie selon le calendrier habituel (réunions habituelles des comités, tenue régulière des assemblées générales avec revues des performances des programmes). De même le processus d’élaboration des demandes de subvention du cycle 2020-2022 a été poursuivi à un rythme assidu. Le dialogue pays après une première étape qui a pu se dérouler sur le terrain,a vu toutes les rencontres se tenir sous forme virtuelle avec le maximum de participation de toutes les parties prenantes. Le CCM a tenu chaque semaine à jour fixe ses réunions de coordination pour assurer un suivi régulier du déroulement du dialogue pays, du travail des équipes de rédactions réparties en trois groupes (VIH/Sida, Paludisme et TB/SSRP). De même des réunions sectorielles virtuelles sur les aspects et systèmes transversaux (Gestion des Approvisionnements de Santé, le Système de Laboratoire, le Système d’information Sanitaire) ont pu se tenir sans difficultés avec les responsables des directions et services techniques nationaux. Il faut également saluer la coordination parfaite des consultants mis à disposition par les partenaires techniques et financiers (Initiative 5% France pour la majorité, OMS, ONUSIDA, UNICEF).
Pour assurer le continuum des services et la mitigation de l’impact du COVID sur les programmes VIH/Sida, TB et paludisme, les programmes de santé, s’inspirant des directives de l’OMS et recommandations de plusieurs partenaires techniques et Organisations Internationales telles que le GFF, l’UNICEF, l’ONUSIDA, le Sénégal comme plusieurs autres pays, ont pris d’importantes initiatives et mesures sous la coordination du Comité National, des Comités régionaux et locauxde Gestion des Epidémies. Ainsi plusieurs politiques, stratégies et procédures de dispensation des soins ont été révisés pour s’adapter au contexte COVID. On peut citer entre autres quelques illustrations :
– Une communication adaptée des programmes communautaires VIH pour diffuser des messages sur les mesures de prévention de l’infection à COVID avec l’utilisation du téléphone (SMS, WhatsApp) ;et une approche individualisée des campagnes d’information et de sensibilisation pour éviter les rassemblements dans les quartiers, villages et auprès des familles avec des mesures de protection adaptés. Les relais font des démonstrations sur le dispositif de lavage des mains et expliquer les gestes barrières à adopter par les populations à la base pour éviter la transmission du COVID 19.
– La réorganisation des circuits de l’accueil des populations dans les structures sanitaires avec des mesures de prévention de la contamination au COVID des prestataires et clients par le lavage des mains systématique, le respect de la distanciation physique, la sensibilisation sur le COVID-19.Utilisation de médiateurs des soins déjà forméssur les sites de dispensation de soins pour orienter les patients et aider les prestataires à faire le Tri ;
– Modification de la fréquence de dispensation des médicaments ARV et anti-TB pour diminuer les risques d’exposition des patients VIH et TB dans les structures de soins : une dotation en ARV et en anti tuberculeux pour une longue durée (au moins trois (3) mois supplémentaires) pour éviter les contacts fréquents avec les structures de soins.
– La distribution communautaire d’ARV et produits antituberculeux par la VOT (Traitement Directement Observé par Vidéo) ainsi que la délégation des taches sécurisées avec un appui en crédits de téléphone aux Centres de Traitement de la TB, Centres de Traitement en Ambulatoiredu Sida et aux médiateurs communautaires, aux réseaux de PVVH et de populations clés qui soutiennent leurs pairs.L’appui nutritionnel sous forme de kits alimentaire à distribuer aux PVVIH et aux populations clés pour soutenir l’observance au traitement
– Le suivi à domicile par le personnel communautairedes malades vulnérable dans le but d’éviter de les exposer au risque d’infection au COVID 19 au niveau des Points de Prestation de Services. L’orientation des patients des centres de traitement des épidémies (CTE) vers les autres sites non CTE pour leur dotation en ARV et en antituberculeux pour la tuberculose, et le suivi communautaire des malades sous les directives des CDT.
– La prise en charge précoce et adéquate des cas de paludisme simple et grave.Sur le plan clinique, la fièvre étant une des signes cliniquesmajeur pour les deux maladies (paludisme et COVID) une attention toute particulière des prestataires est requise.Ainsi tout cas de fièvre bénéficie d’un test paludisme quelques soient les signes d’accompagnement et ceci même en cas de test au COVID 19 positif car le risque de co-infection est réel surtout dans les zones à forte endémicité.
Ces procédures sont soutenues par des modules, fiches techniques, supports de communication visuels ou auditifs sur le counseling et l’accompagnement adapté aux différents cas (positif, suspect, positif) et situations qui peuvent se présenter. Le personnel de santé, le personnel communautaire, les leaders communautaires, les populations clés sont formées sur tous les aspects de la pandémie au COVID-19. Informer et soutenir régulièrement les populations clés et les plus vulnérables (donner les moyens de communiquer), orienter vers un dispositif d’aide en cas de besoin et appuyer des activités de sensibilisation et de plaidoyer communautaire sur le COVID sont la clé du succès.
Dr. Abdoulaye Ciré Anne