Le BCA a invité d’éminents orateurs travaillant sur le paludisme, dont le Dr Kalu Akpaka, chef d’équipe de l’OMS/AFRO, le Dr. Perpetua Uhomoibhi, coordinateur national du programme national d’élimination du paludisme au ministère fédéral de la santé du Nigéria ; M. Hamza Djibo, responsable des programmes de l’Organisation nigérienne des éducateurs et des innovateurs (ONEN), s’exprimant au nom de la société civile pour l’élimination du paludisme (CS4ME); Dr Daddi Wayessa – Responsable du Comité des partenaires de soutien national/régional (CRSPC), Partenariat RBM pour mettre fin au paludisme ; Dr Corine Karema – Responsable du programme de lutte contre le paludisme – Alliance des dirigeants africains contre le paludisme (ALMA) ; et Mme Racey Muchilwa, responsable de l’Afrique subsaharienne pour Novartis.
Pourquoi mettre l’accent sur le paludisme ? Les tendances mondiales en ce qui concerne les cas de paludisme et les taux de mortalité ont atteint un niveau plancher depuis 2015, en particulier dans la région Afrique de l’OMS, où le fardeau le plus lourd est signalé. Selon les estimations du Rapport 2020 sur le paludisme dans le monde, 215 millions de cas de paludisme et 384 000 décès dus au paludisme ont été enregistrés dans cette région en 2019, ce qui représente environ 94 % des cas de paludisme et des décès estimés dans le monde. La résurgence du paludisme, qui est la réapparition de nouvelles infections en nombre important après la baisse des cas de paludisme du fait des mesures appliquées pour réduire ou interrompre sa transmission, constitue un défi majeur en Afrique. Les obstacles à l’élimination du paludisme dans cette région d’ici 2030 sont, entre autres, le financement insuffisant de la lutte contre le paludisme, la faiblesse des systèmes de surveillance et de riposte aux épidémies des programmes de lutte contre le paludisme, la faiblesse des collaborations multisectorielles, l’apparition croissante de la résistance aux insecticides et, plus récemment, l’impact de la Covid-19 sur la prestation de services de lutte contre le paludisme.
Principale préoccupation liée aux déficits de financement : Au cours des discussions, les participants ont recommandé que l’Afrique identifie, définisse et mette en œuvre des priorités en ce qui concerne le financement local et cesse de toujours dépendre de l’aide étrangère. Les participants ont noté que le fait que les pays africains bénéficient d’une aide étrangère depuis leur indépendance et que 70 % des investissements dans la lutte contre le paludisme proviennent de la communauté des bailleurs de fonds du Nord n’est pas une bonne chose. Les gouvernements africains doivent donc collaborer de manière constructive avec les communautés locales, les organisations de la société civile et le secteur privé, et saisir l’opportunité de cette coopération pour mettre en place des politiques qui stimulent la mobilisation rapide des ressources intérieures en instaurant un environnement démocratique propice à la participation de tous et à un sens de l’appropriation.
Observations de l’OMS/AFRO sur la lutte contre le paludisme en Afrique: Au cours de cette session, le représentant de l’OMS/AFRO a indiqué que malgré le fait que le paludisme soit une maladie qui peut être traitée et évitée, il existe encore trop de cas en Afrique. De manière générale, les systèmes de santé ne parviennent pas à assurer les services nécessaires, les déterminants du paludisme ne sont pas pris en compte et il n’existe pas d’actions ‘multisectorielles telles que le soutien aux secteurs minier et agricole pour atténuer les effets du paludisme. Par ailleurs, le financement du paludisme présente des insuffisances inquiétantes, notamment en ce qui concerne le financement intérieur, et les communautés locales sont exclues de la prévention et de la lutte contre le paludisme, ce qui constitue l’une des principales causes de la propagation du paludisme sur le continent.
Regard sur l’un des pays les plus touchés par le paludisme en Afrique. Il a été révélé que le Nigéria compte près de 24 % de tous les décès dus au paludisme dans le monde. Dans le cadre de son plan stratégique de lutte contre le paludisme 2021-2025, récemment élaboré, le pays a adopté une approche ciblée pour ses interventions, prenant en compte les zones à faible et à forte charge de morbidité du paludisme, comprenant notamment : 1) Une couverture massive et une campagne de chimioprévention du paludisme saisonnier, des moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (“MILDA”), la fourniture de traitements contre le paludisme dans le cadre des soins prénatals et pour les enfants de moins de 5 ans qui est en phase d’extension. 2) Les investissements dans une plateforme de données afin de disposer de données de routine sur le paludisme facilement accessibles pour l’analyse des données au niveau national, des Etats et des districts. 3) La stratégie de communication pour le changement de comportement (CCC) a été revue en vue de sensibiliser la population sur l’accès aux services de lutte contre le paludisme, tant dans les établissements de santé qu’au niveau communautaire. 4) Pour combler le déficit en matière de financement, le gouvernement et le secteur privé travaillent ensemble afin de mobiliser les ressources intérieures.
Perspectives des organisations régionales de lutte contre le paludisme en Afrique. L’Alliance des dirigeants africains contre le paludisme (ALMA) et le Partenariat RBM pour mettre fin au paludisme ont présenté certaines des meilleures pratiques en matière de lutte contre le paludisme, notamment l’utilisation de la fiche de suivi du paludisme. L’ALMA a soutenu l’élaboration de la fiche de suivi du paludisme visant à assurer une utilisation en temps réel des données, à stimuler l’action, à favoriser la redevabilité et à plaider en faveur de la réalisation de l’impact nécessaire à l’éradication du paludisme dans les pays. Les meilleures pratiques concernant l’impact des fiches de suivi ont été identifiées, notamment : 1) en ZAMBIE, avec une augmentation de la performance de 25 % à 83 % pour le traitement préventif intermittent chez la femme enceinte (TPI) dans 12 districts de la province de Luapula. 2) En TANZANIE, avec la fiche de suivi utilisée par les parlementaires et autres décideurs politiques sur une application mobile. Dans l’un des districts, le taux d’incidence élevé du paludisme a conduit à la sensibilisation de la communauté sur l’utilisation correcte des MILDA. 3) Au RWANDA, une analyse des données a montré que les agents de santé au niveau communautaire ne respectaient pas les protocoles. Les agents de santé ont été recyclés pour leur permettre de se conformer aux protocoles et aux directives, ce qui a permis d’améliorer les services. Le partenariat RBM a également soutenu la campagne continentale ” Zero Malaria Starts with Me ” au niveau national et au des districts dans 20 pays. Dans le cadre de cette campagne, qui a été mise en œuvre en collaboration avec l’OMS, les programmes nationaux de lutte contre le paludisme et les plans stratégiques nationaux correspondants ont fait l’objet d’un examen approfondi visant à améliorer les performances.
Avis du secteur privé sur la lutte contre le paludisme en Afrique. Novartis a également présenté lors de cette séance, le point de vue du secteur privé sur la lutte contre le paludisme en Afrique. Les participants ont ainsi appris que Novartis a contribué à améliorer l’accès aux traitements pédiatriques contre le paludisme et a mis en place une stratégie de prix permettant de faciliter l’accès aux médicaments en Afrique. Le mois dernier, Novartis a atteint un milliard de traitements antipaludiques, ce qui constitue une réussite considérable dans la lutte contre le paludisme. La présentation de Novartis a permis de relever qu’il est nécessaire de renforcer l’engagement du secteur privé avec le gouvernement/le secteur public, les communautés et le secteur confessionnel dans le but d’atteindre les objectifs de CSU et les ODD. Il est également important de renforcer la fabrication et la fourniture de médicaments de qualité en Afrique, tout en luttant contre les importations parallèles de médicaments de mauvaise qualité en provenance de l’extérieur du continent. Les partenariats public-privé (PPP) doivent être renforcés pour aider les gouvernements à acquérir et à mettre en œuvre des infrastructures et/ou des services publics en utilisant les ressources et l’expertise du secteur privé. Il est également nécessaire d’assurer un plaidoyer sur le changement de comportement – le secteur privé et les communautés doivent collaborer dans ce sens.
Enfin, les positions de la société civile étaient représentées par l’Organisation Nigérienne des Educateurs-Novateurs (ONEN). Leur contribution a permis de noter que l’Afrique a besoin d’identifier des personnes au niveau communautaire devant faire office de champions pour la diffusion du message sur la lutte contre le paludisme. Les OSC sont capables d’assurer le suivi de la progression du paludisme au niveau communautaire, et à cet égard, il est nécessaire de renforcer la collaboration avec les gouvernements nationaux et les communautés locales. Les gouvernements doivent instaurer un environnement politique et juridique propice au fonctionnement démocratique des OSC. En ce qui concerne les communautés, il est important d’améliorer la communication, le partage des idées, la sensibilisation des jeunes, la collecte de données de qualité et l’accent mis sur des partenariats fructueux avec les gouvernements dans le cadre de programmes d’urgence qui affectent la mise en œuvre du programme de lutte contre le paludisme au niveau communautaire.
La campagne African voice for the Global Fund campaign a été lancée en 2020 par le BCA dans l’optique de susciter l’adhésion et d’attirer l’attention sur les principales priorités de l’Afrique identifiées pour la stratégie post-2022 du Fonds mondial. À ce stade, ces campagnes de plaidoyer ont permis de défendre les grandes priorités de l’Afrique et d’assurer leur prise en compte par le Fonds mondial. Par conséquent, ces séances de café virtuel ont permis jusqu’à présent de susciter davantage de discussions sur les recommandations politiques en vue de la mise en œuvre effective et significative des stratégies proposées. Cette initiative du BCA vise donc à garantir que les contributions et la voix de l’Afrique dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie post-2022 du Fonds mondial soient fondées sur des preuves fiables et reposent sur un consensus entre les différentes parties prenantes du continent.