Les programmes de santé communautaire : Le Fonds mondial doit soutenir de manière adéquate cette composante dans sa prochaine stratégie pour un plus grand impact.
Dans le cas du Rwanda, l’un des pays mettant en œuvre les subventions du Fonds mondial, le programme de santé communautaire a été institué en 1995 et a démarré avec à peine 12 000 agents de santé. Il a été initialement conçu comme une réponse aux graves problèmes de santé publique qui s’étaient développés suite à la guerre de l’année précédente et au génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda. Les agents de santé communautaire (ASC) constituaient et constituent toujours le pilier du PSC. Au fil des ans, ils ont fourni des soins de santé primaires à la population au niveau des villages où ils ont joué un rôle essentiel dans la réduction des taux de mortalité maternelle, infantile et juvénile, ainsi que dans l’amélioration des pratiques sanitaires par la sensibilisation à la vaccination, à l’assainissement et à l’hygiène.
Le plan stratégique 2023-2028 du FM soutient l’amélioration du volet communautaire des services de santé
Les hôpitaux ou les établissements de santé en général ont pour obligation d’assurer l’équité en matière de santé des populations qu’ils desservent. Cependant, l’accès équitable n’est pas toujours garanti et les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, ont été laissées de côté, ce qui constitue une menace pour la concrétisation de l’équité en matière de santé.
Différents pays sont confrontés à divers défis dans la prestation de soins de santé à leurs citoyens. Dans les pays en développement, ces défis sont souvent liés à des ressources limitées (handicaps financiers, de capital humain et d’infrastructures), à une volonté politique faible ou inexistante et à la corruption, pour n’en citer que quelques-uns. En guise de solution pour pallier à l’insuffisance de personnel ou aux capacités limitées des systèmes de santé à atteindre les patients, de nombreux pays font massivement appel aux agents de santé communautaire.
Le Rwanda a amélioré ses résultats sanitaires grâce à son système communautaire et au financement du Fonds mondial
Au Rwanda par exemple, pendant plus de 16 ans, le Fonds mondial a financé massivement le secteur de la santé en général et les soins de santé primaires en particulier, représentant environ 85% du financement de la santé dans le système de soins de santé primaires en termes de mesures incitatives, d’outils, de renforcement des capacités et de ressources humaines. En particulier, le Fonds mondial a soutenu les systèmes communautaires et les agents de santé communautaires. Les ASC n’ont pas de formation médicale à la base mais sont formés par l’Etat pour fournir des services de proximité aux habitants de leurs villages.
Les ASC qui n’ont pas de compétences dans le domaine médical sont très appréciés et respectés par les communautés qu’ils desservent. Le nombre d’ASC a augmenté au fur et à mesure du développement de l’offre de services. Du nombre initial de 12.000, il existe actuellement un total de près de 60.000 ASC dans tout le pays, dont 4 établis au niveau du village (la plus petite unité administrative du Rwanda).
Les 4 ASC par village sont répartis comme suit: 2 ASC en charge des enfants de moins de 5 ans, 1 ASC en charge des soins de santé maternelle et néonatale et 1 ASC en charge de la promotion de la santé. Les femmes représentent environ 68% des effectifs du programme de santé communautaire.
Sélection
Les ASC sont élus par leurs pairs dans le village lors d’élections libres, équitables et transparentes, supervisées par le coordonnateur du village. Les ASC élus n’ont pas de limite de mandat. Ils sont élus sur la base des critères suivants: être désigné par les membres du village, savoir lire et écrire, être âgé de 21 à 50 ans, être volontaire, vivre dans le village et être honnête, être sérieux et jouir de la confiance de la communauté.
Portée du travail
Au fil des années, l’ensemble des services offerts par les ASC est devenu plus complexe et comprend actuellement tout un éventail de services, notamment la gestion intégrée des maladies infantiles dans la communauté, le suivi de la santé maternelle et néonatale, la réalisation de tests de grossesse avec de l’urine, la prestation de services de planification familiale et de nutrition dans la communauté, la prise en charge des cas de paludisme et de tuberculose dans la communauté ainsi que la gestion des médicaments et des produits médicaux dans la communauté, la production de rapports sur les activités de santé communautaire par le biais du SIGS et de SMS rapides, la diffusion de messages de communication sur le changement de comportement, la promotion de mesures préventives relatives aux maladies transmissibles et aux maladies non transmissibles et la fourniture des premiers soins, les soins de santé mentale dans la communauté et la sensibilisation de la communauté sur le VIH, le suivi du développement de la petite enfance ainsi que les interventions d’urgence en cas d’épidémies.
Rôle crucial du PSC pour la population rwandaise
En ce qui concerne le rôle crucial du PSC, dans le contexte rwandais, leur rôle comprend les éléments clés suivants: détection précoce des maladies dans la communauté (la majorité des cas sont gérés dans la communauté), les ASC constituent la clé du changement de comportement et de la communication/information et éducation au sein de la population, prestation de services d’un bon rapport coût/efficacité et en temps opportun (disponibilité, coût abordable et accessibilité des services), ils jouissent de la confiance de la communauté et les ASC connaissent les problèmes de la population et leurs solutions et sont les pionniers du développement de la petite enfance qui constitue la priorité des futurs moteurs de la croissance pour le Rwanda et pour de nombreux autres pays de mise en œuvre du FM.
Défis majeurs
Voie à suivre
Vieillissement des ASC Coût élevé de la formation, de la supervision et du mentorat Coût élevé de l’achat d’outils et de kits Réduction du financement extérieur des parten aires au développement Divergences dans les données Faible niveau de gestion des coopératives d’ASC
Numérisation du programme de santé communautaire, les agents de santé communautaire doivent être équipés de smartphones pour effectuer des rapports dans les dossiers médicaux électroniques de la communauté. Introduction d’un système polyvalent (les quatre agents de santé communautaire doivent avoir des compétences similaires). Introduction de mesures incitatives non financières (évaluation et certification basées sur les compétences, appréciation nationale des ASC – journée portes ouvertes pour les ASC). Révision du cadre juridique afin d’offrir aux ASC sortants un plan de retraite. Renforcement des coopératives d’ASC en vue d’assurer la viabilité de leurs activités génératrices de revenus.
Toutefois, au cours des cinq dernières années, le Fonds mondial a considérablement réduit le financement du programme de santé communautaire. Cette réduction du financement est intervenue à un moment où le pays n’était pas en mesure de la compenser par un financement intérieur, ni les autres partenaires par des subventions supplémentaires. Cette situation a laissé un énorme déficit de financement dans le programme qui mettra en péril la qualité des services à la population dans la lutte contre le VIH, la TB et le paludisme; or il est nécessaire de consolider les acquis obtenus au fil des ans.
La nouvelle stratégie du Fonds mondial appelle à “renforcer et consolider les systèmes communautaires et les programmes dirigés par les communautés, intégrés dans les systèmes sanitaires et sociaux nationaux”. Au moment où notre partenariat mène des discussions sur la mise en œuvre de son prochain plan stratégique 2023-2028, il est nécessaire de mettre l’accent sur les moyens de soutenir, d’améliorer et de renforcer à nouveau ce programme.