La riposte au VIH chez les enfants a constitué un sujet récurrent, avec au moins 4 sessions qui lui ont été consacrées par divers intervenants lors de la 22ème conférence sur le sida et les IST en Afrique tenue à Harare, Zimbabwe. En effet, le VIH chez les enfants reste une préoccupation majeure de santé publique, et des innovations sont essentielles pour améliorer la prise en charge de ces derniers.
Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), bien que les nouvelles infections à VIH chez les enfants aient diminué de plus de la moitié (54%) entre 2010 et 2020, principalement grâce à la mise à disposition accrue de la thérapie antirétrovirale aux femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH, cette dynamique s’est considérablement ralentie. Des lacunes importantes subsistent, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale, où vivent plus de la moitié des femmes enceintes porteuses du VIH qui ne reçoivent pas de traitement. Le dépistage des nourrissons et des enfants exposés au VIH présente des défaillances, laissant plus de deux cinquièmes des enfants vivant avec le VIH non diagnostiqués. Le nombre d’enfants sous traitement a diminué à l’échelle mondiale depuis 2019, laissant près de 800 000 enfants (âgés de 0 à 14 ans) sur les 1,7 millions d’enfants séropositifs, sans traitement antirétroviral en 2022. Seuls 40% des enfants vivant avec le VIH avaient une charge virale supprimée, contre 67% des adultes. Près des deux tiers des enfants non traités ont entre 5 et 14 ans.
En outre, Environ 150 000 nouvelles infections au VIH ont été enregistrées chez les enfants, soit quatre fois plus que l’objectif fixé de 40 000 nouvelles contaminations pour 2020.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) quant à lui, a confirmé cette tendance négative en lançant un avertissement à l’approche de la Journée mondiale de lutte contre le Sida 2022, dans un communiqué publié le 28 novembre 2022: la prévention et le traitement du VIH chez les enfants, les adolescents et les femmes enceintes ont quasiment cessé de progresser au cours des trois dernières années, de nombreuses régions n’étant pas revenues aux taux de couverture des services atteints avant la pandémie de COVID-19. Une situation qui s’ajoute à des disparités croissantes en matière de traitement entre les enfants et les adultes.
En effet, l’organisation a révélé sur son site relatif à la prise en charge du VIH pédiatrique que sur les 1,54 million [1,20 million-2,11 millions] d’enfants âgés de 0 à 14 ans vivant avec le VIH dans le monde, seuls 57 [44-78] pour cent bénéficiaient d’une thérapie antirétrovirale (TAR) permettant de leur sauver la vie en 2022. A l’échelle mondiale, les enfants de moins de 15 ans représentent environ 4 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH, 10 % des nouvelles infections par le VIH et 13 % de l’ensemble des décès liés au sida. Les enfants de moins d’un an sont parmi les plus vulnérables au VIH. Il est prouvé que l’initiation précoce aux médicaments antirétroviraux chez les nourrissons séropositifs peut leur sauver la vie; pourtant, la couverture de l’intervention vitale chez les enfants reste trop faible. En raison de la lenteur des progrès réalisés dans l’extension de l’accès au traitement pour les enfants vivant avec le VIH, les objectifs 90-90-90, qui prévoyaient que 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, 90 % des personnes connaissant leur statut reçoivent un traitement et 90 % des personnes recevant un traitement bénéficient d’une suppression virale et d’un traitement durable, n’ont pas été atteints.
Anurita Bains, Cheffe adjointe de la section VIH/sida à l’UNICEF a à ce sujet déclaré que « Les enfants passent entre les mailles du filet parce que nous ne parvenons pas, collectivement, à les identifier, à les diagnostiquer et à leur administrer les traitements qui peuvent leur sauver la vie. Tant qu’aucun progrès ne sera accompli, chaque jour, plus de 300 enfants et adolescents continueront de perdre leur combat contre le sida. »
Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA, quant à elle, a déclaré dans son rapport le 13 décembre 2022 lors de la 51ème réunion du Conseil de Coordination du Programme de l’ONUSIDA que « 1,7 million d’enfants vivent avec le VIH dans le monde. La moitié seulement d’entre eux reçoivent un traitement, contre 76 % des adultes. Et malgré les méthodes de prévention disponibles, 160 000 enfants ont contracté le VIH l’année dernière (2021). En 2021, les enfants représentaient 15 % de tous les décès liés au sida dans le monde, alors qu’ils ne représentent que 4 % du nombre total de personnes vivant avec le VIH. Nous ne laisserons pas cette injustice honteuse et évitable se poursuivre ».
Face à ce tableau peu reluisant malgré les progrès accomplis, il est donc impératif de prendre des mesures conséquentes en vue de l’élimination du sida chez les enfants à l’horizon 2030.
C’est dans cette optique que l’Alliance mondiale pour mettre fin au sida chez les enfants a été créée par l’ONUSIDA, l’UNICEF, l’OMS et d’autres partenaires, notamment, des mouvements de la société civile tels que le Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH, les gouvernements nationaux des pays les plus touchés ainsi que des partenaires internationaux à l’instar du PEPFAR et du Fonds mondial. Douze pays ont rejoint l’alliance au cours de la première phase: l’Afrique du Sud, l’Angola, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Mozambique, le Nigéria, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe. L’objectif est de garantir l’accès de tous les enfants séropositifs à un traitement d’ici la fin de la décennie et de prévenir les nouvelles infections chez les nourrissons. Cette alliance a été annoncée lors de la Conférence internationale sur le sida qui s’est tenue à Montréal au Canada, le 1er août 2022. Elle a fait l’objet d’une présentation au cours de la conférence ICASA 2023, et entend mobiliser le leadership, le financement et l’action nécessaires pour mettre fin au sida chez les enfants.
Des problèmes ont été identifiés concernant la qualité des soins, tels que le faible recours au dépistage, les lacunes dans l’initiation au traitement antirétroviral, les taux de rétention insuffisants et la mauvaise adhésion au traitement du VIH. La pandémie de COVID-19 a également eu un impact négatif sur la couverture en traitement ARV chez les femmes enceintes et allaitantes. En 2021, plus de 75 000 enfants ont ainsi contracté le VIH car leurs mères n’avaient pu être diagnostiquées et entamer un traitement pendant leur grossesse.
Par ailleurs, selon l’UNICEF, le pourcentage d’enfants âgés de 0 à 4 ans vivant avec le VIH et ne bénéficiant pas de traitements antirétroviraux a augmenté au cours des sept dernières années, pour atteindre 72 % en 2021, soit un niveau aussi élevé qu’en 2012 pourtant, de l’avis de l’ONUSIDA, de nouvelles technologies de dépistage et des options de traitement pédiatrique plus efficaces et abordables sont de plus en plus disponibles. Il s’agit notamment du dépistage précoce par le biais de tests sur le lieu des soins et de l’auto-dépistage du VIH en vue de diagnostiquer plus tôt les enfants exposés au virus.
Pour ce qui est des options de traitement pédiatrique, des traitements spécifiques pour les enfants ont été approuvés, ils sont mieux tolérés et plus efficaces. De plus, leur coût est devenu plus abordable. Il est en outre essentiel d’assurer une surveillance étroite des enfants sous traitement antirétroviral, en ajustant périodiquement les doses en fonction du poids, et de veiller au respect des rendez-vous médicaux .
En termes d’innovation, le développement d’antirétroviraux injectables d’action prolongée ouvre de nouvelles possibilités en traitement curatif ou préventif. Cependant, leurs modalités de prescription et de surveillance doivent être précisées.
Pour l’ONU, l’une des priorités pour les cinq prochaines années est d’étendre le dépistage familial et domestique fondé sur les droits et d’optimiser le traitement pédiatrique afin de diagnostiquer ces enfants, de les mettre sous traitement et de les maintenir dans un parcours de soins à vie.
La prévention de nouvelles infections à VIH chez les femmes enceintes et allaitantes revêt également une importance capitale dans l’élimination du VIH pédiatrique. Bas du formulaire
Pour cette raison, l’ONUSIDA entend mener trois actions nécessaires pour mettre fin aux nouvelles infections à VIH chez les enfants dans les pays ciblés.
Les communautés doivent être impliquées de manière impérative en tant que partenaires essentiels dans la lutte contre le sida chez les enfants. Leur implication active permettra de concevoir des interventions plus efficaces et durables en raison de leur connaissance intime des besoins locaux et de leur résilience entre autres. A ce sujet, le rapport de la Journée mondiale de lutte contre le sida 2023 publié par ONUSIDA met en lumière le rôle essentiel joué par les communautés dans la lutte contre le sida, et lance un appel à l’action aux décideurs en vue de les encourager à apporter un soutien total au travail vital des communautés.
Rose Meku